Postures des enseignants togolais du secondaire face aux savoirs locaux et à leur intégration à l’école, Kuamivi Mawusi WAYIKPO, Avril 2022

Postures des enseignants togolais du secondaire face aux savoirs locaux et à leur intégration à l’école, Kuamivi Mawusi WAYIKPO, Avril 2022

Auteurs : Kuamivi Mawusi WAYIKPO

Type de publication : Article

Date de publication : Avril 2022

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À propos des caractéristiques et du statut épistémologique des savoirs locaux.

Les enseignants interrogés ont unanimement accordé une valeur épistémologique aux savoirs locaux. C’est surtout en faisant référence à certaines pratiques traditionnelles (le traitement des maladies à base des plantes, les techniques traditionnelles agricoles etc.) et aux connaissances sur les vertus des plantes médicinales que les enseignants ont vanté les mérites des savoirs locaux

En somme, les enseignants ont développé à la fois une posture d’ouverture ou d’adhésion et une posture critique à l’égard des savoirs locaux.

À propos de l’intégration des savoirs locaux à l’école : Les savoirs locaux peuvent-ils intégrer la sphère scolaire ?

C’est unanimement que les enseignants interrogés ont affirmé qu’il est nécessaire d’intégrer les savoirs locaux à l’école en raison de leurs valeurs et de leurs intérêts. Les enseignants évoquent de commun accord des raisons d’ordre politique, économique, socioculturel pour justifier leur adhésion à l’intégration des savoirs locaux à l’école. Il s’agit de contribuer entre autre à la reconnaissance et à la valorisation des savoirs africains jadis marginalisés et sous-estimés, de pérenniser les richesses culturelles locales et nationales, de contribuer à sauvegarder le patrimoine culturel local et national et enfin de participer au développement socioéconomique du pays.

Nous notons que cette posture d’adhésion des enseignants semble traduire une remise en question de la forme scolaire actuelle et des contenus d’enseignements existants, qui sont conçus sous les modèles pédagogiques exogènes et qui véhiculent les cultures exogènes au détriment de la culture endogène, une attitude de résistance passive et une posture critique des prescriptions institutionnelles. Pour autant, cette remise en question ne signifie pas un rejet absolu et catégorique des savoirs scientifiques. C’est dans cette logique que certains enseignants ont estimé que l’intégration des savoirs locaux à l’école suppose la promotion et la valorisation des savoirs métissés qui prennent en compte à la fois des savoirs locaux et les savoirs scientifiques. Cependant, même s’ils soutiennent l’impérieuse nécessité d’intégrer les savoirs locaux à l’école, ils ont reconnu que leur intégration est une question délicate et n’est pas une affaire facile.

C’est unanimement que les enseignants interrogés ont affirmé qu’il est nécessaire d’intégrer les savoirs locaux à l’école en raison de leurs valeurs et de leurs intérêts. Les enseignants évoquent de commun accord des raisons d’ordre politique, économique, socioculturel pour justifier leur adhésion à l’intégration des savoirs locaux à l’école

Ils considèrent que ce sont des savoirs et connaissances dont la valeur est indéniable et sont au même titre que les savoirs scientifiques. Ils dénoncent leur marginalisation dans les programmes scolaires et les considèrent comme des savoirs crédibles qui peuvent intégrer la sphère scolaire. Cependant, certains enseignants jugent que tous les savoirs locaux ne sont pas fiables à cause des aspects mystiques qui entourent certains savoirs locaux et donc tous ne peuvent pas être intégrés dans les programmes scolaires. Il faut souligner que, la question de la promotion et de la valorisation des langues locales dans l’enseignement a été une préoccupation majeure pour la majorité des enseignants togolais. Car à plusieurs reprises, ils ont souligné la nécessité de leur prise en compte à l’école. 

Les appuis à l’intégration des savoirs locaux à l’école.

Pour les enseignants interrogés, les savoirs locaux sont des savoirs empiriques et des connaissances utiles. C’est unanimement qu’ils ont vanté leurs mérites en considérant ces savoirs comme des savoirs empiriques et des connaissances utiles dont la valeur est indéniable et incontestable. Surtout c’est à partir des exemples concrets tirés de la médicine traditionnelle (pharmacopée) et de l’agriculture traditionnelle qu’ils ont jugés crédibles et efficaces les savoirs locaux. Ils ont soutenu que l’utilité avérée de ces connaissances est empiriquement démontrée.

Contrairement à plusieurs discours dépréciatifs des enseignants à l’égard des savoirs locaux dans certains travaux, les enseignants togolais du secondaire interrogés ont unanimement manifesté des postures d’adhésion et d’ouverture, autrement dit, ils sont favorables à l’intégration des savoirs locaux à l’école comme leurs collègues gabonais des sciences.

Obstacles épistémologiques

En dépit des valeurs accordées aux savoirs locaux, nous avons remarqué que certains enseignants ont reconnu que cette crédibilité ne peut pas être valable pour tous les savoirs locaux surtout à cause du caractère spirituel et ésotérique qui entourent certaines pratiques et croyances. C’est dans cette optique que les enseignants ont reconnu que tous les savoirs locaux ne sont pas enseignables. Certains enseignants togolais ont également souligné que le secret entourant certaines pratiques détenues par les personnes âgées et les initiés constitue l’un des obstacles à l’accès aux savoirs locaux et par conséquent à leur intégration dans l’enseignement. 

Obstacles institutionnels

L’un des principaux obstacles évoqués par les enseignants est le manque de formation des enseignants dans la prise en compte des savoirs locaux dans leurs cours. On note aussi l’absence de référentiels culturels propres au contexte socioculturel togolais et proche de l’environnement culturel des apprenants dans les manuels scolaires. Il y’a donc une rupture entre l’école togolaise et les réalités socioculturelles des apprenants.

Obstacles politiques

Sur le plan politique, il faut souligner le poids ou l’influence du passé colonial et des politiques néocoloniales sur le système éducatif togolais. En effet, le processus de scolarisation en Afrique et en l’occurrence au Togo a été marqué par la période coloniale. Ce processus de scolarisation fondé sur la pédagogie coloniale dont les méthodes et fondements illustrent bien la prétendue « mission civilisatrice » a activement contribué à instaurer une idéologie ségrégationniste et des préjugés racistes envers tout savoir qui était différent de celui des puissances coloniales. Dans ce contexte, tous savoirs produits au sein des cultures africaines de même que les langues locales étaient catégoriquement interdits dans les écoles africaines. De plus, malgré les vastes réformes entamées par les autorités des pays africains nouvellement indépendants dans le domaine des politiques éducatives, les plans d’ajustements structurels imposés par les partenaires financiers ont fini par plomber ces réformes contribuant ainsi à l’échec de leur mise en œuvre dans les systèmes éducatifs. Cet échec se justifie par le fait que les objectifs visés par les plans d’ajustements structurels étaient en majorité différents de ceux visés par les réformes des ex-colonies.

 

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