L’indépendance de la justice pénale au Togo aux prises avec les pesanteurs socio-politiques, KAS African Law Study Library, 2018

L’indépendance de la justice pénale au Togo aux prises avec les pesanteurs socio-politiques, KAS African Law Study Library, 2018

Auteur : Narcisse Marwanga DOURMA

Organisation affiliée : KAS African Law Study Library

Type de publication : Article

Date de publication : 2018

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En principe, le problème de l’indépendance de la Justice au Togo ne devrait concerner surtout que le Parquet, le Ministère Public. Le fait que les magistrats du siège soient, par principe, indépendants du gouvernement est une tradition déjà bien instaurée au Togo, comme d’ailleurs dans les pays héritiers du droit français. Les textes le disent très clairement et sans équivoque.

On peut donc dire que la question de l’indépendance de la Justice au Togo ne concerne que le problème des délits et des peines. Ce qui devrait faire débat serait donc relatif à la justice criminelle puisque par principe, son indépendance n’est pas réellement garantie par les textes – le juge pénal ne se saisit pas de l’affaire.

Il est saisi, sauf dans quelques cas, par ordonnance du juge d’instruction qui lui n’agit que sous l’instigation du parquet qui reçoit des ordres de l’exécutif -. Pour le reste, ce sont des juges indépendants qui jugent des affaires civiles. Cela fonctionne en effets au civil.

L’indépendance comme critère originel d’une « bonne »justice criminelle

Ce qui différencie le magistrat des autres fonctionnaires, c’est qu’il est investi d’un pouvoir moral sur la société. Le rôle du juge pénal est d’examiner objectivement des faits et, en fonction de ceux-ci, d’établir une sanction. Et c’est ici que la responsabilité du juge pénal est très lourde.

En principe, le problème de l’indépendance de la Justice au Togo ne devrait concerner surtout que le Parquet, le Ministère Public. Le fait que les magistrats du siège soient, par principe, indépendants du gouvernement est une tradition déjà bien instaurée au Togo, comme d’ailleurs dans les pays héritiers du droit français. Les textes le disent très clairement et sans équivoque

Il doit donc juger en son âme et conscience. Il doit avoir à cœur d’éviter de commettre une injustice. Il doit faire face à sa propre conscience.

Le juge moderne : une fonction laïcisée mais indépendante

La Justice s’est donc séparée de la religion et a pris une autonomie aussi radicale que définitive. En ce sens, elle se recentre sur elle-même en rassemblant ses règles, en les unifiant et en définissant ses propres méthodes. La constitution togolaise définit la Justice comme un pouvoir.

En effet, le titre VIII de la Constitution togolaise de 1992 intitulé « Du pouvoir judiciaire » est la matrice du caractère de la Justice et de l’organisation judiciaire. En tant que pouvoir, elle a donc les attributs d’un véritable pouvoir, notamment l’indépendance.

La valeur constitutionnelle de l’indépendance de la justice (art. 112 de la Constitution togolaise)

La période coloniale a été caractérisée par une justice d’assimilation, quoiqu’avec une part d’originalité tenant compte des « réalités tropicales ». La Justice togolaise est donc une justice d’ « emprunt ». Elle tire ses principes de ceux français. Comme le Juge français, le juge togolais rend le jugement « Au nom du peuple togolais ». La justice appartient donc au peuple.

Pour rendre effective cette indépendance, il existe dans le système judiciaire togolais des recours ouverts aux parties et qui permettent d’atténuer ou parfois de corriger, quelque fois, certaines dérives des juges.

Il s’agit de l’appel qui permet de faire annuler reformer un jugement non fondé par rapport au droit, le pourvoi en cassation qui tend à imposer le retour au respect des règles de droits. Il faut aussi retenir que le droit togolais a prévu le recours en révision qui permet de revenir sur les effets d’une fraude avérée.

Un principe admettant une exception légale en droit pénal

En principe, en matière pénale, c’est uniquement l’Etat, par le biais du Ministère public qui peut agir. C’est donc le Ministère public qui confie une affaire au juge d’instruction. Il s’agit de la question de l’intérêt pour agir. Le Procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner.

En cas de classement sans suite, il avise le plaignant et lui fait connaitre le motif de ce classement.6 Il arrive dès fois où le Juge d’instruction est désigné par la cour d’appel mais sur proposition du Procureur de la République. C’est le cas « lorsqu’il n’est pas titulaire de la fonction ».

La dépendance vis-à-vis des pouvoirs politiques

Certes, l’article 3 du Statut des magistrats disposes que « Le magistrat du siège est inamovible. En conséquence il ne peut recevoir une affectation nouvelle, même en avancement, sans son consentement préalable ». Mais dans la réalité, cette disposition n’est pas du tout respectée.

En effet, ce principe d’inamovibilité n’est pas appliqué dans la réalité. Il a été instauré un système de compte rendu hiérarchique à la charge des magistrats. Ce système est qui normalement devait être destiné à motiver les juges à la célérité et à la rigueur est finalement utilisé par la hiérarchie pour avoir une main mise sur les affaires et surtout pour avoir une réelle ascendance sur des magistrats.

Il s’agit donc d’un élément qui fait à l’obstacle à l’indépendance du juge.

La dépendance au lien social

Au Togo, le Conseil supérieur de la magistrature qui s’occupe des affectations des magistrats mène une politique qui contribue sérieusement à empêtrer les magistrats dans des situations où ils subissent lourdement les pressions sociales de toutes sortes.

Certes, l’article 3 du Statut des magistrats disposes que « Le magistrat du siège est inamovible. En conséquence il ne peut recevoir une affectation nouvelle, même en avancement, sans son consentement préalable ». Mais dans la réalité, cette disposition n’est pas du tout respectée

En effet, en vertu du critère géopolitique des affectations des magistrats dont se sert le Conseil supérieur de la magistrature pour décider du lieu d’affectation de tel ou tel magistrat, les magistrats nouvellement recrutés sont souvent affectés au poste de lieu d’origine. Ce faisant, on les immerge au sein des leurs qui le considèrent finalement comme un partenaire de justice, et non plus un distributeur équitable de justice.

Des pistes de réflexion pour plus d’indépendance

Le problème ne sera pas résolu si on ne redéfinit pas les aptitudes profondes qu’on doit attendre du juge infaillible. Selon Platon, il faut mettre en place une politique susceptible d’éduquer l’homme de sorte à faire régner la justice dans l’âme des hommes en même temps qu’on la fera régner à l’intérieur de la cité.

C’est dire que le juge devra être habité par la justice naturelle avant de rendre une bonne justice institutionnelle. Or il est impossible de sonder les cœurs des hommes pour distinguer les justes des non justes. En ce sens, il est donc impossible de reconnaître le bon juge avant qu’il n’est été choisi et mis à l’épreuve.

Au Togo, le Conseil supérieur de la magistrature qui s’occupe des affectations des magistrats mène une politique qui contribue sérieusement à empêtrer les magistrats dans des situations où ils subissent lourdement les pressions sociales de toutes sortes

Il en résulte donc que la solution doit se trouver à deux niveaux. D’abord au niveau de la sélection pour la formation et au cours de l’exercice professionnel.

Conclusion

Les textes prévoient que le CSM est le garant de l’indépendance de la Justice au Togo. Mais malheureusement, il ressort du fonctionnement même de cet organe que l’atteinte à cet indépendant est causée en partie par ce même Conseil Supérieur de la Magistrature dont le fonctionnement est très critiqué des magistrats eux-mêmes :

Par exemple, en matière de nomination, promotion et affectation. Elles ne se font pas suivant des critères objectifs mais suivant des critères qui sont fort liés à la soumission des magistrats au système de réseautage politico financier qui infecte toute les institutions publiques au Togo.

De ce fait, tout magistrat récalcitrant devra mettre un trait sur ses chances de faire une carrière évolutive et être prêt à subir toutes les formes de mouvements dont le seul but est de le priver de la visibilité ou de l’épuiser.

 

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