COVID-19: les réponses économiques et sociales de l’État togolais

COVID-19: les réponses économiques et sociales de l’État togolais

Gnamke Esso Wedeou

Un accompagnement social pour les couches vulnérables

C’est dans son adresse à la Nation du 1er avril 2020, que le président de la République a annoncé un ensemble de mesures sociales au nombre desquelles un programme de transfert monétaire à l’endroit des personnes vulnérables, la gratuité pour une période de 03 mois de l’eau et l’électricité pour les tranches sociales et la réduction des frais de branchement pour l’eau.

Le Programme Novissi

Novissi constitue sans aucun doute le projet social phare du gouvernement togolais dans le cadre de la lutte contre la pandémie liée à la COVID-19. Novissi est un programme de transfert monétaire visant à soutenir les citoyens togolais éligibles, ayant perdu leur revenu en raison de l’adoption des mesures de riposte contre le coronavirus.

Le programme vise à fournir aux personnes et familles les plus vulnérables, des soutiens financiers mensuels, tout au long de l’état d’urgence afin de leur permettre de faire face aux besoins de base. Les transferts monétaires concernent les togolais âgés de 18 ans au moins, disposant d’une carte d’électeur et étant un travailleur privé de revenus journaliers en raison des mesures de riposte contre le coronavirus.

Pendant toute la période de l’état d’urgence, les citoyens éligibles ont bénéficié d’un soutien financier mensuel de 12 250 FCFA pour les femmes et 10 500 FCFA pour les hommes. Deux fois par mois, la moitié de ce montant est directement versée sur le porte-monnaie électronique des bénéficiaires dans les deux localités concernées par le couvre-feu : le grand Lomé et la préfecture de Tchaoudjo. Quant aux conducteurs de Zemidjan dont l’activité a été fortement impactée par la pandémie, ils ont bénéficié de 10 000 FCFA tous les 15 jours via le mobile money, durant la période couverte par le couvre-feu.

Pendant toute la période de l’état d’urgence, les citoyens éligibles ont bénéficié d’un soutien financier mensuel de 12 250 FCFA pour les femmes et 10 500 FCFA pour les hommes

Démarré le 20 avril 2020, Novissi a été suspendu le 12 juin 2020 suite à la levée du couvre-feu et l’allègement des mesures restrictives décidé le 8 juin par les autorités togolaises. A cette date, sur 1 378 381 de togolais inscrits au programme, 567 002 personnes (7,1 % de la population nationale) dont 65 % femmes ont reçu un total 11 362 973 000 FCFA, en quatre tranches. Les principaux bénéficiaires sont entre autres : les revendeurs (40,29%), les couturiers (16, 28%), les ménagères (12,44%).

Si le programme Novissi a eu le mérite d’avoir accompagné de nombreuses personnes en situation de vulnérabilité malgré le montant alloué jugé insuffisant au regard du coût de la vie et des différentes charges familles, il n’en demeure pas moins que l’initiative a manqué d’inclusivité.

Quant aux conducteurs de Zemidjan dont l’activité a été fortement impactée par la pandémie, ils ont bénéficié de 10 000 FCFA tous les 15 jours via le mobile money, durant la période couverte par le couvre-feu

En effet, pour plusieurs acteurs sociopolitiques et de la société civile, l’exigence de la carte d’électeur au détriment des autres pièces d’identité (passeport,  carte  d’identité  nationale,  carte professionnelle, carte d’opérateur économique, permis de conduire) pour bénéficier du programme n’est qu’une mesure politique visant à exclure les militants de l’opposition ayant boycotté les révisions des listes électorales des trois précédentes élections depuis 2018. En effet, ne disposant pas de carte d’électeur valide, cette partie des Togolais n’a malheureusement pas pu bénéficier des transferts monétaires durant toute la période du couvre-feu.

S’il est vrai que les Togolais disposant d’une carte nationale d’identité sont largement moins nombreux (environ 1 million) que ceux qui possèdent une carte d’électeur (3,6 millions), une solution mixte combinant l’utilisation des deux documents d’identité avec une gestion rigoureuse des doublons aurait été plus inclusive. Cette alternative aurait permis d’éviter l’exclusion d’une partie des Togolais qui avait aussi droit à ces transferts monétaires.

La gratuité de l’eau et de l’électricité

Les mesures sociales prises par les autorités pour accompagner les Togolais durant l’état d’urgence sanitaire concernent également la gratuité des tranches sociales de l’électricité correspondant à la consommation maximale de 40 kilowatt/heure. Tous les abonnés de la Compagnie énergie électrique du Togo (CEET), ont pu bénéficier de cet accompagnement évalué à 4750 FCFA d’avril à juin 2020, à travers tout le territoire national pour un coût total de 5 milliards à l’État.

En ce qui concerne la gratuité de l’eau, elle  concerne la tranche sociale de la facturation de la Société togolaise des eaux (TDE) qui  correspond à une consommation d’eau maximale de 10 m3. Par ailleurs, le lavage des mains étant au cœur des gestes barrières, le gouvernement a mis des branchements sociaux à la disposition des Togolais, au coût réduit de 25 000 FCFA, contre 75 000 FCFA. L’utilisation de l’eau au niveau des bornes fontaines a également été rendue gratuite sur toute l’étendue du territoire national jusqu’à la fin du mois de juin 2020.

L’utilisation de l’eau au niveau des bornes fontaines a également été rendue gratuite sur toute l’étendue du territoire national jusqu’à la fin du mois de juin 2020

A terme, 78 000 citoyens togolais ont bénéficié de la gratuité de la tranche sociale de l’eau. Par ailleurs, la TDE a enregistré 40 000 demandes de nouveaux raccordements dont 6 500 ont pu être réalisés sur la période du couvre-feu. Au total, dans le secteur de l’eau, les mesures d’accompagnement aux populations togolaises ont coûté 214 millions FCFA à l’État.

Création d’un fonds national de solidarité et de relance économique de 400 milliards de francs CFA

En mars 2020, au début de la crise le gouvernement avait décrété un premier fonds d’urgence de 2 milliards FCFA pour faire face à la pandémie. A cette mesure vient s’ajouter la création, en avril 2020, d’un fonds national de solidarité et de relance économique de 400 milliards de francs CFA, un montant qui correspond à 30% du PIB du Togo. Le Fonds national de solidarité est destiné à financer les dispositions socio-économiques prises pour amortir les effets de la crise sanitaire du coronavirus au niveau des populations et des entreprises durement éprouvées.

Ce fonds est alimenté par l’apport du gouvernement, mais également à partir des mobilisations auprès des partenaires internationaux, du secteur privé national et international et des bonnes volontés. Au 30 juin 2020, sur les 400 milliards initialement prévus, le Togo a réussi à mobiliser un peu plus de 200 milliards.

Lancement d’un plan de riposte agricole COVID-19

Le secteur agricole qui emploie une importante partie des togolais n’est pas en reste. Le gouvernement a procédé à la mise en œuvre d’un ambitieux plan de riposte agricole COVID-19 qui consiste à renforcer la capacité de production des ménages ruraux à travers trois axes : un appui en matériel et kits d’irrigation, la promotion des entreprises de placement de main d’œuvre et l’octroi de crédits d’intrants à taux bonifiés. Ce plan a pour objectif d’améliorer le revenu des producteurs, mais également de consolider la sécurité alimentaire.

Le gouvernement a procédé à la mise en œuvre d’un ambitieux plan de riposte agricole COVID-19 qui consiste à renforcer la capacité de production des ménages ruraux à travers trois axes : un appui en matériel et kits d’irrigation, la promotion des entreprises de placement de main d’œuvre et l’octroi de crédits d’intrants à taux bonifiés

A terme, ce mécanisme ambitionne de parvenir à une production de 225 000 tonnes de coton, 2 millions de tonnes de maïs, 140 000 tonnes de soja, et plus de 332 508 tonnes de riz, 6 000 tonnes de sésame, 7 500 tonnes de gingembre, 9 375 tonnes de tomate et 470 tonnes de piment, avec une augmentation sensible de 228 milliards de FCFA sur les revenus des producteurs. Les producteurs qui disposent d’une carte d’électeur sont éligibles pour recevoir un crédit de campagne via le porte-monnaie électronique.

Bien que ce plan soit une excellente opportunité pour les producteurs d’améliorer leur production, il exclut de fait une partie des togolais qui, ne disposant pas de carte d’électeur, ne pourront pas en bénéficier.

Des mesures fiscales et douanières pour accompagner les opérateurs économiques

Des dispositions fiscales et douanières ont également été prises par l’État togolais afin d’appuyer les opérateurs économiques pendant toute la durée de la crise.

Sur le plan fiscal, les secteurs de la restauration et de l’hôtellerie, qui semblent être les plus affectés par la crise, ont bénéficié d’une réduction de 10% du taux d’imposition sur leurs activités. On note également l’interruption des contrôles fiscaux en cours en entreprise et les limites aux entreprises citoyennes, ainsi qu’un allègement de la charge fiscale pour les entreprises qui s’est traduit par la suspension des pénalités de retard pour les impôts arrivant à échéance au cours du 2ème trimestre. Il faut également mentionner l’exonération de tous les impôts et douanes sur les matériaux médicaux et les médicaments en lien avec la lutte contre la Covid-19.

Conclusion

Depuis la détection du premier cas de COVID-19, les autorités togolaises ont élaboré des réponses préventives et multidimensionnelles afin d’éviter une catastrophe sanitaire (fermeture des différentes frontières, des écoles, des lieux de culte, des bars et autres lieux de réjouissance, interdiction de regroupements de personnes, instauration d’un état d’urgence sanitaire et couvre-feu). Si les  mesures de restrictions ont permis de réduire la propagation de virus, elles ont amplifié les difficultés socioéconomiques auxquelles faisaient face les populations dans une situation normale. Des mesures sociales et économiques ont été prises afin d’accompagner les populations durant la pandémie.

La tendance à la stabilisation des chiffres observée en début juin a encouragé les autorités à alléger les restrictions avec la levée du couvre-feu, la liberté de circulation, l’ouverture progressive des lieux de culte, l’ouverture des établissements scolaires et universitaires et bientôt la reprise des vols internationaux. A ce jour, si la propagation de la pandémie de la COVID-19 semble maîtrisée au Togo, les cas confirmés continuent toutefois d’être détectés.

Afin de conserver l’avantage conséquent enregistré par le Togo sur la COVID-19, comparativement aux autres pays de la sous-région, les autorités devraient rester vigilantes et renforcer la promptitude, la rigueur, et le professionnalisme dans la gestion de cette crise, surtout dans la perspective de la réouverture des frontières.

 


Crédit photo : The Conversation

Gnamke Esso Wedeou

 

Gnamke Esso-Wèdeou est diplômé en Sociologie. Il s’intéresse au développement politique et économique des pays de l’Afrique de l’Ouest. Il a participé à plusieurs projets de recherche sur ces pays. Expert en collecte de données, il a contribué à plusieurs études sociopolitiques et économiques et aux missions d’observation et d’évaluation de l’Union Africaine. Il collabore avec WATHI sur le projet Togo Politique.

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