Entretien avec Noviekou Pyalo Da-do Yram, Coordinatrice nationale du West Africa Network for Peacebuilding (WANEP) Togo

Entretien avec Noviekou Pyalo Da-do Yram, Coordinatrice nationale du West Africa Network for Peacebuilding (WANEP) Togo

Dans le cadre de l’initiative sur l’élection présidentielle au Togo, WATHI est allé à la rencontre de Noviekou Pyalo Da-do Yram, Coordinatrice nationale du West Africa Network for Peacebuilding (WANEP). Dans cet entretien, elle évoque l’implication de son organisation dans le processus électoral et la synergie des organisations de la société civile pour un scrutin apaisé. Cet entretien a été réalisé à la veille du scrutin présidentiel.

 

Présentation de la structure

Le WANEP est une organisation sous régionale créée en 1998 et basée à Accra au Ghana. Elle a pour vision d’instaurer la paix sociopolitique au niveau de chaque pays de l’Afrique de l’Ouest. Le WANEP dispose de bureaux pays dont celui du Togo, lancé le 21 juin 2002. Les actions menées par WANEP régional et par le biais de ses réseaux pays, tournent essentiellement autour des programmes et des activités.

Nous avons 5 programmes : l’éducation à la paix et à la non-violence, la prévention des conflits, l’implication des femmes dans la consolidation de la paix, la recherche et la plaidoirie, les questions électorales et les missions de paix.

En matière de services, nous offrons des renforcements de capacités, des appuis en conseils et en accompagnements, ainsi que la médiation et le dialogue. Ce dernier volet nous permet d’intervenir dans des situations conflictuelles pour apporter notre contribution au plan national ou communautaire. À l’avènement de la crise du 19 août, nous nous sommes engagés avec six autres organisations de la société civile, sous le format du G7, pour apporter notre contribution pour le retour à la paix. Quand il y a aussi des conflits communautaires, nous apportons notre contribution en aidant les communautés à résoudre pacifiquement les conflits. Et c’est vraiment dans ce domaine que nous excellons : résoudre les conflits de façon pacifique ou dans le meilleur des cas, les prévenir.

Implication dans le processus électoral

Concernant les élections dont le processus a démarré quelques mois, nous avons lancé en septembre 2019 le projet Electoral Violence Monitoring Analysis and Mitigation (EMAM), qui est un projet sous régional financé par l’Union européenne et qui cible 7 pays engagés dans les élections dont le Togo. Le projet EMAM s’engage pour des élections pacifiques, en passant par l’analyse et par l’alerte, et nous a permis déjà de déployer sur le terrain 20 moniteurs qui sont des points focaux répartis dans les cinq régions. La mission de ces points focaux est de nous aider à suivre les indicateurs qui permettent de détecter des signaux conflictuels relatifs au processus électoral.

Ces observateurs déployés durant plus de quatre mois sur le terrain renseignent les données dans notre système et aident à la décision. À l’analyse de leurs données, nous pouvons prendre les décisions ou activer la réponse auprès des décideurs et c’est à ces derniers qu’il revient de réagir en apportant une solution. Selon la nature de la situation conflictuelle identifiée, la réponse peut venir des organes de gestion des élections, des acteurs politiques ou des ambassades que nous pensons être capables de pouvoir apporter des solutions à des problèmes identifiés.

À cette étape du processus, on constate que le climat est relativement stable contrairement aux échéances passées. Généralement, c’est quand on s’approche du jour du scrutin et du jour de la proclamation des résultats qu’il y a plus de tensions. Pour le moment, les observations des quatre mois montrent qu’il n’y a pas tellement de tension dans les communautés, même si nous avons déjà renseigné des indicateurs qui nous montrent que dans certaines villes du pays, il y a un certain nombre de tensions liées à l’interaction entre des forces de défense et de sécurité et une partie de la population. Il y a des points chauds actuellement qui n’ont pas forcément un lien direct avec les élections. Mais on note qu’il y a déjà des moments de tensions et même s’il n’y a pas des manifestations, on sent qu’il y a des frustrations. Mais nous pensons que c’est une situation qui est à encadrer pour que cela ne dégénère pas et n’entraine pas une montée de tension.

Synergie des organisations de la société civile

Au-delà des moniteurs déployés qui nous renvoient des données, nous formerons dix (10) organisations de la société civile qui sont nos partenaires sur ce projet pour renfoncer notre synergie d’action. Nos observateurs viennent de ces structures. Il y a donc un travail de synergie qui se fait avec d’autres organismes de la société civile. Nous ne sommes pas la seule plateforme, il y a d’autres organisations de la société civile qui se sont mises ensemble pour contribuer au processus électoral apaisé. Généralement, en période électorale, il y a des coalitions et des alliances qui se créent pour avoir plus d’impact sur le processus.

Dans les régions, il y a des coalitions qui se sont créées, mais je ne saurais vous donner des noms parce que ce ne sont pas des plateformes lancées officiellement. En dehors de notre plateforme qui regroupe 10 organisations venant des cinq régions, nous sommes dans une autre plateforme avec le GF2D, le Centre de documentation pour la formation des droits humains et le Conseil national de la jeunesse sur un projet qui a été soumis au PNUD pour impliquer les femmes et les jeunes dans le processus.

Appréciation du cadre légal

Au niveau du cadre légal, disons qu’aujourd’hui on a sept candidats qui se sont engagés pour le scrutin du 22 février. Cela voudra dire qu’il y a un minimum sur lequel ils se sont basés pour s’engager, il y a un minimum qu’ils reconnaissent. Donc, le cadre légal même s’il n’est pas parfait, les candidats se sont accordés pour faire avec. Ainsi, à cette étape, notre analyse ne concerne plus les insuffisances parce que le processus est déjà enclenché et nous constatons simplement qu’il y a sept candidats qui pensent que le cadre légal leur permet de compétir.  S’il y a un consensus autour de ce cadre, il pouvait quand même être amélioré et peut l’être dans les années à venir. C’est un travail à faire.

Appréciation de l’intégrité du processus électoral

L’intégrité veut signifier beaucoup de choses et c’est tout un processus et personnellement je pense que c’est un travail qui doit se faire en amont. Aujourd’hui, on a un fichier électoral. Mais nous n’avons pas connaissance des recommandations de l’expert qui a travaillé sur le fichier pour pouvoir nous prononcer. On sait seulement qu’une recommandation a été faite par l’expert. Le travail en amont pour l’intégrité du processus devait passer par l’implication de tous les acteurs. Dans le processus qui est en cours, on peut toujours avoir l’intégrité, en se disant qu’il y a encore un travail à faire et en s’assurant que des dispositions seront prises pour que les textes soient respectés, et que le matériel électoral soit disponible et opérationnel.

Appréciation du climat électoral

De façon globale, le climat est pacifique et on constate une certaine stabilité même si on note beaucoup de méfiance et de peur dans les esprits. Lorsqu’on écoute les Togolais, on sent qu’ils sont dubitatifs sur l’issue de ce scrutin. C’est d’ailleurs pourquoi plusieurs organisations se sont engagées dans la sensibilisation dénommée : « zéro violence, on ne fait pas de mort ».

Contenus programmatiques des candidats

En initiant l’action «qui sont-ils», nous avions l’objectif de permettre aux candidats de se prononcer pour que les citoyens puissent mieux les connaître eux-mêmes et les contenus de leurs programmes de société, afin que les Togolais opèrent leur choix sur cette base. Malheureusement, on a eu à ce jour beaucoup de rendez-vous non respectés. On a eu quelques candidats qui se sont prêtés à l’exercice, mais d’autres ne se sont pas présentés. On ne connaît donc pas les contenus des programmes. Également sur les réseaux sociaux, jusqu’ici des programmes ne sont pas encore  diffusés. On sait que les candidats diffusent leurs programmes lors des meetings, mais les documents ne sont pas encore accessibles. Pour le moment, seul le candidat Tchassona Traoré nous a remis un document dont nous sommes en possession.

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