Entretien avec le candidat Mouhamed Tchassona Traoré

Entretien avec  le candidat Mouhamed Tchassona Traoré

Dans le cadre de l’initiative sur l’élection présidentielle au Togo, WATHI est allé à la rencontre de Mouhamed Tchassona Traoré, candidat du Mouvement citoyen pour la démocratie et le développement (MCD). Dans cet entretien, il évoque son parcours et son engagement politique et revient sur les mesures phares de son programme.

 

Le parcours du candidat 

Je me suis engagé politiquement sur les bancs de l’école déjà dans les années 1980. Déjà à cette période, j’avais une position assez diamétralement opposée au régime du Rassemblement du peuple Togolais (RPT) au lycée de Sokodé où je refusais de participer aux groupes d’animation pour accueillir le Général Eyadema. J’ai été sollicité pour diriger la jeunesse du régime à travers le mouvement «  Jeunesse du rassemblement du peuple togolais (JRPT) », offre que j’ai refusée, ne me sentant pas dans cette posture. A l’Université, étant le président de l’amicale des ressortissants de Tchaoudjo, des propositions m’ont également été faites allant dans le même sens.  Mais, je suis resté une personne libre dans ma tête.

J’ai fait mes premiers pas dans la politique durant les années 90  après l’avènement du multipartisme dans le Parti de l’action pour la démocratie (PAD) dirigé par Francis Ekon avant de démissionner et de rejoindre le Parti pour la démocratie et le renouveau (PDR) en 1998. Au sein de ce parti, j’ai occupé le poste de président de la commission politique jusqu’à 2006 année à laquelle j’ai créé ma propre formation politique avec des amis qui partageaient les mêmes conviction.

Depuis la création du Mouvement citoyen pour la démocratie (MCD), nous avons pris part à toutes les élections sauf les législatives de 2018 que nous avons boycotté. En 2010, notre parti avait soutenu un candidat du Comité d’action pour le renouveau. En 2015, nous avons fait nos premiers pas en tant candidat et nous rééditons cela cette année.

Mon ambition de vouloir être président de la République 

Chaque parti politique est d’abord fondé sur un idéal, une vision et un projet.  Les partis politiques ont pour vocation d’aller aux élections pour proposer leur projet. C’est pour cette raison que nous nous portons candidat pour ce rendez avec les compatriotes pour leur exposer notre vision du Togo.

Quel que soit ce qu’on dit sur le système qui organise les élections, ce n’est pas tant les conditions d’organisation qui font l’élection, mais c’est beaucoup plus l’adhésion de la population, sa propension à réagir et à s’adapter aux difficultés et à les transcender.   Nous avons foi que les Togolais qui ont soufferts depuis des années pourront faire ce saut qualitatif le 22 février 2020 pour porter leur choix sur des candidats comme nous qui avons des projets et une vision pour ce pays et pouvoir le sortir définitivement de l’ornière.

Les mesures phares de mon programme

  • L’éducation

Le système éducatif hérité de la colonisation doit être repensé de fond en comble. Si les Togolais nous accordent leur confiance, nous allons mettre en place des centres de formations expérimentaux pour les apprenants du primaire. Nous allons expérimenter le système suisse et allemand qui consiste à faire suivre un élève par le même enseignant du CP1 au CM2. L’enseignant sera secondé par des conseillers en orientation scolaire de telle sorte que durant les 6 années de primaire, qu’on puisse déjà détecter chez l’enfant les prédispositions qu’il développe pour pouvoir l’orienter utilement dans sa vie future.

Au niveau du secondaire, au lieu de maintenir les collèges d’enseignement généraux, il faut mettre en place des centres de formations techniques et professionnelles pour permettre à ceux qui ne peuvent pas évoluer dans l’enseignement général et qui ont des prédisposions techniques d’être orientés vers ces centres. Il en est de même pour l’enseignement supérieur en  mettant un accent particulier sur les filières techniques pour  minimiser l’impact du chômage.

  • L’emploi des jeunes

Dans le secteur public, Il faut faire des états généraux de l’administration. Il y a aujourd’hui des centaines de fonctionnaires qui, bien qu’ils soient admis à la retraite, continuent de travailler dans l’administration. Il faut « dégager » ce monde pour faire de la place aux jeunes dans les limites qui respectent le point de convergence au niveau de l’UEMOA.

Le second niveau consiste à dépoussiérer le code du travail. Le recrutement doit se faire selon un équilibre ethnique et régional au niveau des trois piliers de l’État. Au niveau de la fonction publique, il faut revoir les types de contrats, il faut initier des contrats à durer déterminées et recruter les bonnes personnes aux bons postes. Si nous sommes au pouvoir, aucune personne ne peut prétendre au poste de préfet ou de secrétaire général , si elle ne justifie pas d’une formation  à l’École nationale de l’administration.

Il faut également orienter les jeunes vers les filières qui leur permettront d’être à leur propre compte pour diminuer les demandes d’embauche au niveau de l’administration. A côté, nous entendons mettre en place des structures d’orientation des jeunes pour qu’ils se mettent ensemble pour créer des sociétés. Il faut aussi mettre en place des structures de reconversion pour permettre aux jeunes de travailler dans des filières connexes. Une agence nationale de promotion de l’entrepreneuriat appuiera les jeunes dans le montage des projets financés à taux zéro. Ces jeunes seront encadrés par des professionnels à leurs débuts jusqu’à leur autonomie.

  • La santé

L’État à lui seul ne peut pas garantir la santé de tous les Togolais, il faut faire intervenir le secteur privé. Pour ce faire, l’État doit établir un cahier de charge en fonction des besoins des populations et de la prévalence des maladies en rapport avec les différentes régions du Togo. Après ce diagnostic, l’État doit mener un projet, fournir le personnel soignant et le secteur privé devra intervenir sur le finance en matière d’équipement. Tous les contributeurs pourront être directement rétribués à travers des subventions qui seront budgétisés. Une partie des frais de consultations servira également aux remboursements de l’apport des différents contributeurs.

 

L’Accord politique global

Un accord politique est une solution d’étape. C’est à la suite de la crise de 2005 que nous sommes retrouvés entre Togolais pour nous entendre sur la manière de sortir le pays de l’ornière. Mais entre-temps le pays a évolué, le temps est passé et de nouveaux défis apparaissent notamment le besoin de l’alternance et les besoins de garantir une sécurité pour tous.  Le besoin de la laïcité de notre pays devient un impératif avec ce qu’on a vu dans le processus de désignation du candidat de l’opposition (Dynamique Kpodzro). Il faut donc d’autres accords, d’autres types de mesures pour renfoncer le corpus togolais au niveau politique.

L’APG a réglé la limitation des mandats, les deux tours aux élections… ce qu’il reste c’est les questions d’ordre constitutionnel. Le régime politique du pays ainsi que l’équilibre entre les pouvoirs du Premier ministre et du président de la République. Il y a des besoins nouveaux qui sont nés, par exemple, avec les nouvelles communes, il faut des tribunaux administratifs qui fonctionnent, il faut un conseil d’État pour sanctionner l’ensemble des décisions qui pourront émaner des juridictions administratives. Tous ces aspects n’apparaissent pas dans la constitution de 1992.  Ils doivent être pris en compte pour l’amélioration du système politique togolais

La gouvernance et les institutions

C’est d’abord la réconciliation, il faut mettre tous les Togolais ensemble et mettre fin aux querelles intestines, aux clivages des années d’avant indépendance qui se sont exacerbées au fil du temps. Il faut recoudre le tissu social du Togo. On ne décrète pas la réconciliation, elle se construit autour de projets sociopolitique et économique. La santé, l’assainissement des finances publiques, la lutte contre l’évasion fiscale et la corruption sont des priorités qui ont été hiérarchisés dans notre programme politique.

La décentralisation

Telle qu’elle est conduite aujourd’hui, la décentralisation me pose problème. Le processus de décentralisation semble avoir sauté l’étape des préfectorales et des régionales. Le découpage des régions du Togo n’obéit à aucun critère objectif. Il faut redéfinir ces régions en tenant compte des richesses du milieu, et des aspects culturels, sociologiques et anthropologiques. La région est un maillon essentiel dans le processus de décentralisation. S’il n’y a pas une stratification entre dans le transfert des compétences les régions, les préfectures et les communes, il y aura grand risque de conflits de compétence et de graves problèmes peuvent naître. Il faut corriger cela au niveau structurel et fonctionnel.

Nous avons également remarqué que la loi sur la décentralisation a été faite comme un catalogue de mesures pour chaque milieu, or les localités diffèrent les unes des autres. Il faut donc éclater l’autonomie au niveau communal en permettant aux communes d’ériger des commissions en fonctions de leurs réalités et spécificités. Nos populations étant attachées aux coutumes et traditions, une décentralisation qui ne prend pas en compte ces aspects est vouée à l’échec. C’est pourquoi nous prévoyons que la chefferie traditionnelle, garant des us et coutumes puisse siéger aux cotés des élus, sans droit de vote, et en tant qu’observateur. On pourrait les appeler des conseillers référendaires.

le contexte sécuritaire

Aucun pays à lui tout seul ne peut faire face au phénomène sécuritaire qui sévit dans la sous-région. Il faut mettre en synergie les services de renseignements des pays et même les armées pour éradiquer complètement ce fléau. En interne, il faut une politique qui ne prête pas le flanc comme on le voit avec la répression des manifestations. L’État doit rester à équidistance des différentes religions. Certaines religions s’assimilent à une branche de l’appareil de l’État et c’est dangereux dans le contexte actuel. Il faut créer une structure nationale où l’ensemble des religieux peuvent se retrouver de manière périodique pour se concerter et faire le suivi des pratiques religieuses et cultuelles. Cela permettra d’anticiper sur le radicalisme religieux.

La naissance de la nouvelle monnaie Eco

L’UEMOA s’est trop précipitée. L’ECO est un projet de la CEDEAO, et non de l’UEMOA qui, en voulant aller trop vite, risque de briser l’élan de la CEDEAO. En termes d’intégration, la CEDEAO a fait d’importantes avancées que l’UEMOA ne doit pas remettre en cause. On n’a aucun intérêt à créer une monnaie UEMOA en laissant de côté les autres membres de la CEDEAO.

Mon engagement pour un processus apaisé

Notre parti prône la non-violence. Je n’ai pas d’argent pour acheter des armes, et par hasard si j’en avais, je n’ai pas d’hommes pour les porter, et s’il y a des volontaires, je n’ai pas de peuple sur lequel je vais tirer. La violence ne règle aucun problème, mais faut-il encore que ceux qui nous gouvernent ne prêtent pas le flanc, qu’ils n’attirent pas la foudre. Ils sont là pour assurer la sécurité du  peuple, et leur action est scrutée de très près. Ils doivent donc faire en sorte que tout se déroule dans les meilleures conditions afin qu’au soir du 22 février les autres candidats puissent féliciter le gagnant et qu’il n’y ait pas de friction.

Je salue l’ensemble de nos patriotes de l’extérieur comme de l’intérieur qui se sont engagés dans ce processus. Qu’ils gardent espoir, une maison reste une maison même quand elle est en difficulté.  On doit pouvoir préserver l’essentiel, et l’essentiel c’est préserver notre pays des affres de la guerre des querelles intestines, et de regarder vers devant. A coup sûr, l’alternance viendra par la volonté des Togolais. Au-delà des conditions d’organisation décriées, les Togolais doivent se mobiliser le 22 février pour choisir le candidat le mieux placé comme nous, le changement dans ce pays sera opéré sans verser une seule goutte de sang.

 


Source photo : africatopsuccess.com

 

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