Améliorer formation, recrutement et déploiement des ressources humaines en santé au Togo : un diagnostic de la situation, revue de santé publique, juillet 2018

Améliorer formation, recrutement et déploiement des ressources humaines en santé au Togo : un diagnostic de la situation, revue de santé publique, juillet 2018

Auteurs : Christel Jansen, Tchaa Kadjanta, Minzah Pekele, Marjolein Dieleman

Type de publication : Article

Date de publication : juillet 2018

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Introduction

Au Togo, le budget alloué à la santé ne permet pas de couvrir tous les besoins du secteur et, par conséquent, la population n’a pas toujours accès aux personnels de santé nécessaires. En 2015, le Ministère de la Santé a développé des projections des besoins en ressources humaines en santé (RHS) de 2015 à 2030. Ces projections montrent que le personnel du secteur public disponible au 31 décembre 2014 présente un déficit qui varie entre 25 % et 55 % selon les catégories professionnelles par rapport aux effectifs requis.

Conscient de ces faiblesses, le Gouvernement togolais a inscrit le développement des RHS parmi ses priorités ; des initiatives ont été mises en œuvre avec l’appui des partenaires au développement, notamment l’Agence française du développement, l’Alliance GAVI, le système des Nations Unies au Togo. Ces initiatives ont concerné essentiellement le renforcement de la gouvernance et de la gestion des RHS, la réforme de l’enseignement supérieur basé sur le système LMD (Licence-Master-Doctorat) ainsi qu’un programme de volontariat national.

Contexte : organisation et fonctionnement de la gestion des RHS au Togo

L’entrée dans les programmes de formation se fait suivant trois principales procédures. La première procédure, le concours direct, est réservée aux candidats togolais, et représente le moyen d’accès principal aux institutions publiques pour les paramédicaux. Chaque année, avant le lancement du concours, le Gouvernement détermine un quota sur la base de la capacité d’accueil de chaque institution de formation et des besoins programmatiques du pays.

Conscient de ces faiblesses, le Gouvernement togolais a inscrit le développement des RHS parmi ses priorités ; des initiatives ont été mises en œuvre avec l’appui des partenaires au développement, notamment l’Agence française du développement, l’Alliance GAVI, le système des Nations Unies au Togo. Ces initiatives ont concerné essentiellement le renforcement de la gouvernance et de la gestion des RHS, la réforme de l’enseignement supérieur basé sur le système LMD (Licence-Master-Doctorat) ainsi qu’un programme de volontariat national

La deuxième procédure est le concours professionnel, réservé au personnel du secteur public de soins ayant une expérience professionnelle de cinq ans ou plus. C’est le principal moyen d’accès à la formation des spécialistes et assistants médicaux. Cela consiste soit en une étude de dossiers ou un test écrit. Troisièmement, l’entrée par étude de dossiers est réservée aux candidats étrangers et à tous les candidats pour la formation en médecine.

Après leur formation, les diplômés des écoles nationales doivent passer le concours de recrutement pour être admis à la fonction publique. Il s’agit d’une épreuve après laquelle les meilleurs candidats sont déclarés admis dans une région de leur choix.

Ils peuvent également être recrutés directement sur d’autres budgets publics, comme le budget autonome des hôpitaux, le budget des communautés locales, des municipalités, ou des préfectures. De plus, ils peuvent être recrutés par le secteur privé ou s’engager dans le programme de volontariat national. Ils peuvent aussi être recrutés par des secteurs non-sanitaires, exercer comme bénévole ou se retrouver au chômage.

Résultats

La formation

Le nombre d’admissions en première année des filières en infirmiers et sages-femmes dépassait largement les places disponibles. Une des raisons de cette inadéquation est que le Ministère de la Santé ouvre au moins 4 % de places en plus au concours que la capacité des institutions de formation des infirmières et des sages-femmes le permet. De plus, l’État admet environ 15 % d’étudiants de plus que ce qui est indiqué dans l’arrêté portant ouverture du concours. La capacité d’accueil pour les médecins-généralistes et pharmaciens n’a pas pu être obtenue, mais les informations disponibles au niveau de la faculté de médecine semblaient indiquer aussi que le nombre d’étudiants admis surpassait largement la capacité d’accueil.

Les institutions de formation des paramédicaux dépendent de l’Etat pour le nombre d’étudiants admis, ainsi que leurs ressources financières et humaines, ce qui limite leur marge de manœuvre pour optimiser la qualité de la formation. Cette situation pourrait inciter au recrutement excessif des étudiants étrangers pour générer des ressources propres.

Le recrutement

Les étudiants en dernière année de formation ne souhaitaient pas tous travailler là où l’État souhaitait les déployer. Pour toutes catégories professionnelles confondues, 17 % des d’étudiants en dernière année de formation ont exprimé le souhait de travailler à l’étranger après l’obtention de leur diplôme.

En regardant le profil des candidats recrutés, le recrutement de personnel effectué par l’État en 2013 n’a pas pu contribuer à corriger les insuffisances en accoucheuses auxiliaires et infirmiers auxiliaires selon les projections basées sur les normes du secteur

Si on différencie par filière, on note que pour les médecins-généralistes seulement 49 % préféraient travailler dans la clinique au Togo et que 28 % souhaitaient aller à l’étranger. Pour les médecins-généralistes qui souhaitaient travailler dans la clinique au Togo, le secteur public est considéré moins attractif que pour les autres catégories professionnelles : 57 % souhaitaient travailler dans le secteur privé à but lucratif ou s’installer à leur propre compte.

En regardant le profil des candidats recrutés, le recrutement de personnel effectué par l’État en 2013 n’a pas pu contribuer à corriger les insuffisances en accoucheuses auxiliaires et infirmiers auxiliaires selon les projections basées sur les normes du secteur.

Le déploiement

Environ 25 % des fonctionnaires ont changé de poste avant une période de cinq ans, notamment pour des raisons d’affectation (26 %), de promotion (7 %) et de rapprochement des conjoints (7 %). Sept fonctionnaires (12 %) ont commencé une formation entre 2013 — 2015 et étaient encore en formation au moment de l’étude.

Discussion

Nos résultats par rapport à la formation et le recrutement sont largement en conformité avec la seule autre étude togolaise qui a également quantifié les dynamiques sur le marché d’emploi au Togo. En 2010, Siliadin a retrouvé 639 des médecins (92 %) qui ont obtenu leur doctorat de la Faculté de Médecine entre 1977 et 2007 : 30 % de ces médecins ne travaillaient pas dans le secteur de la santé au Togo, dont 28 % avaient émigré.

Le taux de recrutement au concours est seulement de 4 à 7 % des candidats inscrits. Plus le nombre de candidats est élevé, plus les ressources investies dans l’organisation des concours sont importantes

Ces données sont en conformité avec nos estimations que20-30 % des diplômés ne pourraient pas être absorbés par le secteur et que32 % des médecins en dernière année de formation souhaitent travailler à l’étranger.

La formation

Le taux de recrutement au concours est seulement de 4 à 7 % des candidats inscrits. Plus le nombre de candidats est élevé, plus les ressources investies dans l’organisation des concours sont importantes.

L’autonomie limitée des institutions de formations de réglementer le nombre d’étudiants admis, ainsi que leurs ressources financières et humaines incitent au recrutement excessif des étudiants étrangers pour générer des ressources propres, tandis que ces étudiants sont moins disposés à aller travailler dans le secteur de la santé au Togo.

Le taux d’échec de plus de 80 % dans la filière de médecine représente une déperdition énorme. Cette déperdition au cours de la formation a des implications pour les étudiants qui échouent (qui perdent quelques années de leur vie professionnelle et leurs frais d’inscription), pour les étudiants qui réussissent (qui partagent les salles, enseignants et lieux de stages limités avec des étudiants qui à la fin n’obtiennent pas leur diplôme), et pour les institutions de formation (qui doivent accueillir trop d’étudiants avec des ressources limitées, qui à la fin n’obtiennent pas leur diplôme).

Le recrutement

Les étudiants en dernière année de formation ne souhaitent pas tous travailler là où l’État souhaite les déployer. Mieux sélectionner les étudiants selon des critères de motivation intrinsèque ou instituer un contrat d’engagement comme obligation liée à l’octroi de bourses de formation pourraient aider à former des médecins intéressés à travailler au Togo.

Les régions prioritaires de recrutement du ministère (Savanes, Centrale) sont moins préférées par les étudiants en dernière année de formation. Plus le niveau de formation des corps de métier est élevé, plus ils souhaitent travailler dans la capitale. Sans un paquet d’incitation faisable sur le plan financier, les zones prioritaires risquent de ne pas être en mesure améliorer leur situation du personnel.

Le déploiement

La moitié des mutations pour les fonctionnaires d’État après leur premier poste et entre régions, est orientée vers la capitale Lomé Commune. Et toutes les mutations de zones étaient orientées vers une zone urbaine. Ces résultats ne donnent pas des faits probants pour appuyer l’hypothèse que les fonctionnaires travaillent plus en zone rurale grâce au mécanisme de redéploiement et semblent indiquer que le redéploiement des RHS de la fonction publique n’est pas bénéfique aux régions prioritaires (Savanes, Centrale et les Plateaux) ou zones rurales après leur premier poste.

Augmenter le recrutement au niveau décentralisé ou sur ouverture de poste dans les régions et zones prioritaires peut aider à répondre à ce problème. Également, identifier les préférences des futurs professionnels ou de ceux déjà en exercice à travers une « Méthode des Choix Discrets » pouvait aider à développer des stratégies de fidélisation appropriées, comme cela a été fait par exemple au Burkina Faso, du Kenya et du Mozambique.

 

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