Lutte contre la torture au Togo : Un pas en avant, deux pas en arrière, OMCT, FIACAT, CACIT, ACAT-Togo, FODDET

Lutte contre la torture au Togo : Un pas en avant, deux pas en arrière, OMCT, FIACAT, CACIT, ACAT-Togo, FODDET

Auteurs (s) : Organisation mondiale contre la torture (OMCT), Fédération internationale des ACAT (FIACAT), Collectif des associations contre l’impunité (CACIT), l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-Togo), Forum des organisations des droits de l’enfant au Togo (FODDET)

Type de publication : Rapport alternatif

Date de publication : Juillet 2019

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*Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts. 

 

Le Togo a ratifié la Convention contre la torture le 18 novembre 1987 et soumis son rapport initial en 2006. En 2012, l’État togolais, a soumis son second rapport périodique démontrant ainsi sa volonté de mettre en œuvre la Convention et de suivre les recommandations du Comité. Le rapport de l’État faisant l’objet de l’actuel examen aurait dû être soumis en 2016. Il intervient alors avec 3 ans de retard. Les avancées qu’il soulève sont le résultat d’un long processus de plaidoyer, effectué par les organisations de la société civile. Ceci inclut entre autres une meilleure criminalisation de la torture respectant l’esprit et la lettre de la Convention y compris la prise en compte du principe d’imprescriptibilité des crimes de torture.

En dépit de toutes ces avancées, le pays a traversé au cours des dernières années des crises à répétition avec des violences et violations des droits de l’Homme et un recours à la torture et aux mauvais traitements de manière préoccupante notamment pendant les manifestations publiques des partis politiques et des mouvements citoyens.

Toutefois, toutes les personnes victimes de torture ou de mauvais traitements ne sont pas nécessairement membres des partis politiques. De manière générale, l’ensemble des personnes ciblées subissent des sévices physiques et mentaux en plus de vivre de manière prolongée dans des conditions inhumaines et dégradantes en prison.

De plus, les conditions dans les prisons civiles togolaises n’ont pas vraiment évolué depuis le dernier passage du Togo devant le Comité. En réalité, l’absence persistante d’une politique carcérale adéquate respectant les standards internationaux démontre que les autorités n’ont pas suivi les recommandations dans ce sens et de surcroît ne prennent pas la mesure de la situation carcérale actuelle.

L’absence d’enquêtes impartiales, indépendantes et l’impunité des auteurs d’actes de torture est une preuve du manque de volonté des autorités de mettre un terme à ces pratiques. Le manque d’indépendance de la justice encourage fortement cette impunité.

Pourtant, un nouveau Code pénal a été adopté en 2015 et révisé le 11 octobre 2016 prohibant expressément les actes de torture. Son application lacunaire, qui s’expliquerait par l’absence d’un nouveau Code de procédure pénale adapté aux nouvelles infractions inscrites dans le texte et d’un Code de l’organisation judiciaire, est surtout la conséquence d’un manque de priorisation d’étapes urgentes pouvant améliorer la lutte contre la torture.

L’arsenal juridique interne consacre l’interdiction absolue et la criminalisation de la torture. En effet l’article 21 de la Constitution togolaise dispose : « La personne humaine est sacrée et inviolable. Nul ne peut être soumis à la torture… ».

L’Assemblée nationale togolaise a adopté un nouveau Code pénal le 02 novembre 2015 révisé en octobre 2016. Celui-ci incrimine la torture à son article 198 et retient une définition conforme à l’article 1er de la Convention. Le même article consacre l’imprescriptibilité de la torture et les articles 199 et suivants prévoient des sanctions en conséquence et l’annulation de la procédure en cas d’aveux obtenus sous le coup de la torture. En dépit de l’adoption du nouveau Code pénal qui prend en compte les conventions, traités, protocole et autres instruments juridiques relatifs aux droits de l’Homme, les magistrats peinent à ce jour à garantir le droit à la justice aux victimes de torture.

Recommandations :

– Accélérer l’adoption du nouveau Code de procédure pénale et veiller à y inclure l’imprescriptibilité des actes de torture et l’irrecevabilité des aveux et déclarations obtenues par la torture ;

– Accélérer l’adoption du code portant organisation judiciaire ;

– Vulgariser les dispositions du nouveau Code pénal sur l’interdiction absolue de la torture auprès de tous les acteurs de la chaîne pénale et de la population et veiller en particulier à la formation et sensibilisation des magistrats à l’irrecevabilité des déclarations obtenues par la torture et l’obligation d’ouvrir des enquêtes lorsque des allégations de torture sont portées à leur connaissance.

 

L’opérationnalisation du mécanisme national de prévention de la torture

Au nombre des efforts fournis par le gouvernement on note l’opérationnalisation du Mécanisme National de Prévention de la torture (MNP) avec la nomination des nouveaux membres pluridisciplinaires de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) qui ont pris fonction le 25 avril 2019. A cet effet, en vertu de l’article 6 de la loi organique de la CNDH, « la Commission a pour mission de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, notamment dans les lieux de privation de liberté ou tout autre lieu qu’elle aura identifié. Elle est habileté à faire des visites régulières et inopinées dans tous les lieux de privation de liberté ».

Au regard de la lenteur législative qui a prévalu dans le cadre de la mise en place du mécanisme, il y a lieu de se focaliser sur les délais et les conditions dans lesquelles la CNDH pourra pourvoir en ressources humaines et financières ses antennes régionales. En effet, l’article 14 de la nouvelle loi organique prévoit 5 personnels pour le fonctionnement d’une antenne régionale : le Chef d’Antenne, le Chargé d’Étude, le Comptable, le secrétaire et le chauffeur.

Le budget alloué à la CNDH découle du budget général dont le vote se fait en fin d’année généralement en décembre. De ce fait, le budget de la CNDH pour cette année (voté fin 2018) ne tient pas compte de ses nouvelles activités de MNP contrairement aux recommandations des organes de traités et aux dispositions de l’OPCAT. De même il n’existe pas de garantie sur une dotation budgétaire et une représentation suffisante du MNP au sein des antennes régionales de la CNDH.

Recommandations :

– Doter la CNDH des ressources financières, humaines et matérielles lui permettant de remplir pleinement ses fonctions de manière indépendante, impartiale et efficace ;

– Donner des précisions sur la part de budget destinée au fonctionnement du MNP et la part des ressources destinées à une présence suffisante du MNP dans les antennes régionales ;

– Accélérer l’installation des antennes sur toute l’étendue du territoire national et renforcer les antennes existantes des ressources financières, matérielles et humaines ;

– Clarifier le fonctionnement et la représentativité de la sous-commission prévention de la torture dans les antennes régionales.

Torture et mauvais traitements lors des manifestations

Les manifestations publiques de la société civile et des partis politiques auxquelles l’Etat togolais est confronté depuis 2017 ont complètement éprouvé sa capacité à pouvoir non seulement mettre en œuvre toutes les réformes positives qu’il a entreprises, mais surtout sa volonté politique à continuer sa transformation.

Toutes les dispositions législatives et institutionnelles (Code pénal, formation des forces de l’ordre et des magistrats etc.) adoptées entre 2012 et 2017 ont démontré une véritable option pour la mise en œuvre des recommandations. Mais dès les premières contestations de 2017, l’appareil sécuritaire du pays a réactivé ses organes les plus répressifs et les pratiques les plus violentes.

95% des personnes arrêtées au cours des manifestations en tant manifestants ou non manifestants et celles arrêtées après les manifestations, ont témoigné avoir été victimes de tortures ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants

La plupart des actes de torture et de mauvais traitements observés ces dernières années ont eu lieu lors des manifestations publiques et ont été suivis d’arrestations et de détentions dans les lieux privatifs de liberté. Le rapport de la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme (LTDH) estime qu’en 2017, « 95% des personnes arrêtées au cours des manifestations en tant manifestants ou non manifestants et celles arrêtées après les manifestations, ont témoigné avoir été victimes de tortures ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Les actes de tortures ont commencé dans les rues et les domiciles des manifestants lors des arrestations et se sont poursuivis dans les lieux de garde à vue et les lieux de détention.

L’usage excessif de la force, torture et mauvais traitements : un outil pour punir les manifestants

Le droit de manifester est un droit constitutionnel consacré par les textes internationaux et régionaux des droits de l’Homme. Ce droit est encadré au plan national par la loi n° 2011-010 du 16 mai 2011 fixant les conditions d’exercice de la liberté de réunion et de manifestation pacifiques publiques et le décret n° 2013-013/PR du 06 mars 2013 portant réglementation du maintien et du rétablissement de l’ordre public. Cependant l’application de ces textes sur le terrain reste difficile. Depuis août 2017, les forces de l’ordre ont fait un usage quasi systématiquement excessif de la force lors des manifestations publiques pacifiques.

D’abord en ce qui concerne l’usage de la force, l’article 27 du décret du 6 mars 2013 précise que l’utilisation de la force ou des armes doit être faite en présence, sur les lieux, de l’autorité civile qui a mandat de réquisitionner les différentes catégories de force d’intervention (art. 13, 14 et 15). Il est pourtant constant qu’au cours des manifestations de ces dernières années, la réquisition des forces armées lors du maintien de l’ordre n’a pas obéi à cette logique.

De plus, l’article 28 du même décret exige qu’avant l’utilisation de la force, deux (02) sommations soient effectuées par l’autorité civile responsable ou son représentant clairement identifiable par sa tenue d’uniforme, par le port de l’écharpe officielle ou par tout autre insigne de fonction apparent.

En ce qui concerne l’usage d’armes à feu, le décret ne présente pas suffisamment de gardefous. En effet, sans le circonscrire à des circonstances où les forces de l’ordre seraient attaquées à l’arme, l’article 31 de ce décret autorise l’usage des armes lorsque “les forces de l’ordre auront fait preuve jusqu’aux dernières limites du calme, du sang froid et de la patience compatibles avec les obligations de leur mission”.

L’article 32 prévoit d’ailleurs que “l’emploi des armes peut être exceptionnellement commandé sans réquisition d’usage des armes ou sans ordres exprès, lorsque les forces du maintien de l’ordre sont l’objet de violences graves et généralisées et ne peuvent défendre autrement les lieux, les personnes ou les biens qu’elles ont reçu mission de garder ou protéger ou assurer autrement leur propre sécurité́”.

Sans au préalable définir le concept de “violences graves et généralisées”, la loi laisse entre les mains des forces de l’ordre la latitude d’apprécier de manière arbitraire le seuil requis pour utiliser des armes contre des manifestants généralement non armés. Cette latitude laissée par le décret, explique aisément le nombre élevé de civils tués par balles létales au cours des manifestations organisées ces dernières années par les partis politiques et la société civile.

Recommandations :

– Prendre toutes les mesures pour le respect du décret n° 2013-013/PR du 06 mars 2013 portant réglementation du maintien et du rétablissement de l’ordre public ;

– Faire la sommation systématique comme mentionnée dans la loi sur les manifestations pacifiques publiques avant toute intervention ;

– Donner des instructions fermes aux forces de l’ordre sur la nécessité de faire preuve de professionnalisme dans l’encadrement des manifestations publiques ; – Situer les responsabilités de façon urgente en cas d’usage excessif de la force ;

– Renforcer les capacités des forces de l’ordre sur la prévention de la torture ;

– S’assurer que les standards internationaux relatifs à l’arrestation soient respectés ;

– Tenir systématiquement compte du respect de la dignité humaine lors de l’arrestation ;

– Outiller les forces de l’ordre et de sécurité de moyens adéquats en vue remplir efficacement leur mission sur le terrain lors des manifestations.

Détention arbitraire, un outil de répression des leaders de l’opposition, des manifestants et activistes

Durant la crise sociopolitique d’août 2017, plusieurs acteurs impliqués ont fait l’objet de détention arbitraire sur la base de chefs d’accusation parfois peu fondés. Plusieurs manifestants ont ainsi été accusés de groupement de malfaiteurs, de troubles à l’ordre public, de troubles aggravés à l’ordre public, de rébellion ou d’atteinte à la sûreté de l’État du fait de leur seule participation aux manifestations.

Le Service Central de Recherche et d’Investigation Criminelle (SCRIC), un outil de la torture au Togo

Dans presque tous les cas rendus publics ou dans les témoignages reçus par nos organisations, il s’avère que les personnes arbitrairement arrêtées lors de ces manifestations ont été conduites au sein d’un des plus importants organes de l’appareil répressif du système sécuritaire togolais pour être torturées ou subir des mauvais traitements. En effet, le SCRIC précédemment appelé le SRI est un corps de la gendarmerie nationale dont les compétences premières sont les recherches et les investigations. Ses prérogatives sont définies par le décret N°2016-001/PR portant réorganisation de la gendarmerie nationale.

Dans presque tous les cas rendus publics ou dans les témoignages reçus par nos organisations, il s’avère que les personnes arbitrairement arrêtées lors de ces manifestations ont été conduites au sein d’un des plus importants organes de l’appareil répressif du système sécuritaire togolais pour être torturées ou subir des mauvais traitements.

Sur le plan purement légal, ce service n’a pas vocation à maintenir l’ordre public, ni à se substituer à la police judiciaire sauf en cas de réquisition. Les pratiques de torture auxquelles le SCRIC a recours sortent complètement du texte qui l’organise. Le rapport réalisé par la Ligue Togolaise des droits de l’homme établi clairement que “les violentes répressions, les arrestations de masse et les violences physiques exercées sur les citoyens pendant leurs arrestations et sur le trajet de leur conduite à la gendarmerie” sont principalement le fait du SCRIC. Les geôles du SCRIC apparaissent alors comme un lieu important de garde à vue où se pratiquent des actes de torture contre des personnes arrêtées pour avoir participé à des manifestations ou pour leur soutien aux revendications de l’opposition.

Défenseurs des droits de l’Homme et journalistes

Les défenseurs des droits de l’Homme ont également été victimes de répression durant la période de la crise socio politique d’août 2017. Plusieurs d’entre eux ont été victimes de menaces, d’agressions, d’intimidations, de détentions arbitraires et certains ont subi des actes de torture et de mauvais traitements. Plusieurs membres des mouvements ‘’NUBUEKE’’, ‘’En Aucun Cas’’, ou encore du Front Citoyen Togo Debout (FCTD), créés à la suite des manifestations d’août et de septembre 2017 afin de mener des actions de sensibilisation et d’information des populations sur la bonne gouvernance, l’État de droit et la démocratie, et de réclamer des réformes politiques constitutionnelles et institutionnelles, ont notamment été visés.

Recommandations

– Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique de l’ensemble des défenseurs des droits humains et des journalistes au Togo ;

– Procéder à la libération immédiate et inconditionnelle de l’ensemble des défenseurs des droits humains détenus au Togo ;

– Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre des défenseurs des droits humains et des journalistes au Togo ;

– Mettre un terme aux restrictions aux libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique au Togo

– Adopter une loi pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme et des journalistes ;

– Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à ses articles 1 et 12.2.

Système de santé non conforme aux standards internationaux

Selon les règles 24 à 35 de Nelson Mandela, l’État a la responsabilité d’assurer des soins de santé aux détenus dans les meilleures conditions. Pour autant, il apparaît que le dispositif de santé dans les prisons du Togo ne répond pas à ces exigences. Ce dispositif est en effet dérisoire et inadéquat pour prendre en charge les détenus et pour répondre à l’ampleur de leurs besoins. Le système de santé est caractérisé par un manque cruel d’infrastructures, de ressources humaines et de moyens matériels et financiers.

Seule la prison de Lomé dispose d’une infirmerie où travaille une infirmière volontaire qui reçoit en moyenne vingt détenus par jour et où un médecin se rend une à deux fois par semaine. Les détenus nécessitant une hospitalisation sont transférés au “Cabanon”, une unité sécurisée située dans l’enceinte du centre hospitalier universitaire de Lomé à environ 2,5 km de la prison. Ce service a été rénové dernièrement permettant la création d’un quartier réservé aux femmes séparé de celui des hommes.

Ces deux quartiers disposent de sanitaires. Le “Cabanon” est prévu pour accueillir environ 30 malades. Toutefois, au 13 juin 2019, 47 détenus étaient hospitalisés, parmi lesquels se trouvaient 3 femmes. Dans les autres prisons du Togo, il n’y a pas d’infrastructures sanitaires, ni de personnel soignant permanent. Chaque année une dotation annuelle de médicaments est fournie aux prisons mais reste insuffisante et inadéquate pour la prise en charge des détenus malades.

La réparation et la réadaptation des victimes de torture

Le nouveau Code pénal incrimine les actes de torture et prévoit une réparation pécuniaire (articles 199, 202,204). Toutefois, ce code ne comporte pas les dispositions garantissant toutes les formes de réparations. En ayant opté essentiellement pour des indemnisations, le gouvernement a choisi d’ignorer toutes les autres formes de réparation. D’ailleurs lorsque le choix a été d’infliger des sanctions disciplinaires, soit les peines sont trop clémentes soit elles ne sont pas transparentes et ne permettent pas de savoir qui a été sanctionné.

Cette absence systématique de sanction malgré des compensations financières est clairement incompatible avec l’obligation de l’État de « garantir la non-répétition de ces violations ». Aussi, Le cadre législatif et la pratique institutionnelle au Togo ont adopté une conception limitative des droits conférés par l’article 14 de la Convention en séparant les indemnisations octroyées aux victimes de torture, de leur droit à la restitution, la réadaptation de la victime, la prise en charge médicale et psychologique et la garantie de non répétition.

Les limites temporelles du programme de réparation du Haut commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité Nationale (HCRRUN)

Le programme de réparation conduit par le HCRRUN concerne uniquement les victimes de violence et de violation des droits de l’Homme à caractère politique ayant eu lieu de 1958 à 2005. Toutefois, il faut noter que depuis 2005, plusieurs victimes de tortures et de mauvais traitements ont été enregistrées par les organisations de défense des droits de l’Homme. Le mandat du HCRRUN ne les prenant pas en compte, elles ne peuvent donc pas prétendre à une indemnisation du HCRRUN. Cette situation est d’autant plus problématique que l’État n’a pas mis en place un autre mécanisme en vue de les prendre en charge.

Le fait que l’État ne les prenne pas en compte ne leur permet pas de se réhabiliter. Cette non-assistance de l’État peut être assimilée à une autre forme de torture à laquelle sont confrontées les victimes. Néanmoins, certaines victimes de torture ont été réhabilitées grâce à l’action des ONG. A titre d’exemple le CACIT a accompagné au moins 60 victimes de torture directes et au moins 100 victimes indirectes depuis 2013. Par ailleurs, grâce à l’action des organisations de la société civile, la Cour de Justice de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) saisie en 2014, a rendu des décisions condamnant l’Etat togolais à indemniser certaines victimes.

Recommandations

– Étendre le mandat du HCRRUN en lui permettant de prendre en compte la réparation de toutes les victimes de torture enregistrées depuis 2005 et au-delà.

– Mettre en place des mécanismes spéciaux prenant en compte toutes les formes de réparation pour accompagner les victimes de torture et les ayants droits dans des délais raisonnables ;

– Doter l’institution de moyens suffisants en vue de remplir efficacement son mandat.

Violences faites aux femmes : des pratiques néfastes qui résistent aux efforts de l’Etat

Ces dernières années, des efforts ont été consentis par le Togo en matière de promotion de l’égalité des sexes et d’autonomisation des femmes. Il s’agit essentiellement du renforcement du cadre juridique relatif aux droits des femmes qui a consacré l’adoption des Code des personnes et de la famille (CPF) et sa révision respectivement en 2012 et 2014 et l’adoption en novembre 2015 du nouveau Code pénal dont certaines dispositions sanctionnent les violences à l’égard des femmes.

Ces deux codes sont basés sur les dispositions pertinentes des instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits des femmes auxquels le Togo est parti qui interdisent les violences faites aux femmes, prônent l’accès des femmes à la justice surtout celles victimes de violence, la promotion des femmes dans les sphères de prises de décision et l’interdiction du mariage des enfants. Cependant, des actes qui vont à l’encontre des dispositions légales sont observés dans le pays.

Mariages précoces et mutilations génitales féminines : Le défi transfrontalier

Les lois adoptées ces dernières années et les nombreuses initiatives pour la promotion de l’égalité des genres dans le pays ont largement fait reculer les pratiques néfastes contre les femmes au Togo. Le nouveau Code pénal de 2015 étant plus égalitaire, prévoit des sanctions contre le viol marital et les violences domestiques à travers les articles 212 et 232. De même, les articles 217 à 222 de ce même Code pénal et la loi n°98-016 du 17 novembre 1998 portant interdiction des mutilations génitales féminines (MGF) régulent et sanctionnent la pratique de nombreuses violences sexuelles et sexistes. Au cours des dernières années, en dépit des efforts de l’État, les violences sexistes et sexuelles ont continué à occuper une place importante dans la société togolaise.

Le tiers (32%) des femmes togolaises ont au moins une fois été victimes de violences soit physiques soit sexuelles depuis qu’elles ont eu 15 ans, dont 22% ont subi des violences physiques, 7% des violences sexuelles aussi bien que physiques, et 3% des violences sexuelles seulement

Selon la Troisième Enquête Démographique et de Santé (EDST-III 2013-2014) réalisée par la Direction Générale de la Statistique et de la Comptabilité Nationale, le Ministère de la Santé et le Ministère de la Planification, du Développement et de l’Aménagement du Territoire du Togo : « le tiers (32%) des femmes togolaises ont au moins une fois été victimes de violences soit physiques soit sexuelles depuis qu’elles ont eu 15 ans, dont 22% ont subi des violences physiques, 7% des violences sexuelles aussi bien que physiques, et 3% des violences sexuelles seulement»

Les mutilations génitales, les mariages forcés et précoces demeurent encore des défis majeurs dans certaines régions du pays en matière de violences faites aux femmes. Aujourd’hui, même si moins d’1% des jeunes femmes sont victimes de MGF en 2017, les mutilations clandestines continuent aux frontières notamment dans la région des savanes frontalières du Bénin. Les exciseuses traversent clandestinement les frontières du Burkina Faso pour venir effectuer les MGF dans les villes et villages de la région des Savanes.

Recommandations :

– Appliquer l’article 267 du Code de l’enfant sur la prohibition du mariage des enfants et poursuivre l’application de la loi sur l’excision aux contrevenants ;

– Faire preuve de diligence raisonnable pour prévenir, enquêter, punir et réparer tous les actes de violence à l’égard des femmes ;

– Prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre toute forme de discrimination et de pratique néfastes à l’égard des femmes et des filles ;

– Accélérer l’adoption du décret d’application de la loi portant aide juridictionnelle ;

– Garantir la réparation des victimes de violences basées sur le genre et notamment de mutilations génitales féminines en créant des infrastructures spécialisées pour les filles et femmes ayant fui leur foyer afin d’échapper à ces violences et en soutenant les initiatives de la société civile visant à apporter une assistance multiforme aux victimes de ces actes.

Traite des enfants, châtiments corporels et enfants en conflit avec la loi

Le Togo est partie aux principaux traités internationaux et régionaux sur les droits de l’enfant et les a intégrés dans son arsenal juridique national. Un mécanisme de plainte pour les mineurs est en cours de création au sein de la CNDH, (division « droits de l’enfant »), ce qui lui permettra de recevoir et d’examiner des plaintes des enfants victimes de torture et mauvais traitements.

Ces dernières années, l’Etat a fait des efforts pour lutter contre la traite des enfants, des châtiments corporels et la protection des enfants en conflit avec la loi.

Traite des enfants

Il est difficile de mesurer l’ampleur de la traite des enfants au Togo car il n’existe aucune statistique globale sur ce phénomène. Ces dernières années, des milliers de mineurs ont été victimes du trafic d’être humain. Les garçons travaillent dans les champs. Les petites filles finissent souvent comme esclaves domestiques dans les grandes villes du Togo.

L’ONG Plan International considère que 28,3% des enfants togolais travaillent. « En 2014, le gouvernement a annoncé l’identification de 712 victimes potentielles de la traite des enfants, y compris 351 garçons et 361 filles, contre 580 identifiés en 2013. La majorité de ces enfants ont été interceptés et sauvés avant d’atteindre leur destination, où ils auraient probablement été exploités comme ouvriers agricoles ou domestiques ».

En 2014, le gouvernement a annoncé l’identification de 712 victimes potentielles de la traite des enfants, y compris 351 garçons et 361 filles, contre 580 identifiés en 2013

Cependant, alors que le Code pénal criminalise la traite des enfants, le Code de l’enfant (2007) la définit comme un délit. De plus, aucun budget n’a été alloué par l’Etat pour la prise la prise en charge des enfants victimes de la traite. De plus, aucun dispositif dans le pays ne permet de collecter des données statistiques relatives à la traite interne et transfrontière d’hommes, de femmes, (d’enfants ?) aux fins d’exploitation sexuelle, de travail forcé ou d’esclavage domestique.

Recommandations :

– Réviser le Code de l’Enfant afin qu’il soit en conforme au Code pénal notamment sur la criminalisation de la traite des enfants ;

– Prendre les mesures nécessaires pour punir les auteurs de trafic d’enfants dans le pays et des châtiments corporels – Sensibiliser les parents et autres acteurs pertinents sur la traite des enfants et les châtiments corporels ;

– Mettre en place des mécanismes adaptés pour accompagner les enfants victimes de traites ; – Mettre en place un mécanisme de collecte des données statistiques relatives à la traite interne et transfrontière d’hommes, de femmes, aux fins d’exploitation sexuelle, de travail forcé ou d’esclavage domestique.