Auteur : Geneviève Inagosi Kassongo
Organisation affiliée : Commission politique de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie
Type de publication : Rapport
Date de publication : Mars 2018
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Depuis le mois d’août 2017, des manifestations massives se sont tenues dans les grandes villes du pays à l’initiative de l’opposition. Les manifestants exigent des réformes constitutionnelles et institutionnelles et appellent à un retour à la Constitution de 1992. Cette dernière fut modifiée en 2002 par le Président Gnassingbé Eyadema, modification qui lui permit notamment de se présenter pour un nouveau mandat présidentiel. À sa mort en février 2005, le pouvoir fut confié à son fils Faure Gnassingbé qui fut par la suite élu à la présidence en avril 2005 lors d’un scrutin ayant entraîné des violences entre les forces de l’ordre et l’opposition et causé la mort d’une centaine de personnes.
Afin de mettre fin à la crise politique postélectorale, les acteurs politiques togolais et la société civile ont signé un Accord politique global (APG) le 20 août 2006, accord prévoyant entre autres la révision du cadre électoral et des réformes institutionnelles. La réélection du Président Gnassingbé pour un troisième mandat en avril 2015 a de nouveau provoqué des heurts entre militants de l’opposition et forces de l’ordre. Depuis cette réélection, l’opposition exige que les mesures prévues par l’accord de 2006, notamment celles relatives au rétablissement de la limitation du nombre de mandats, au scrutin à deux tours et au vote de la diaspora, soient mises en œuvre.
Manifestations et violences
Le 3 août, plusieurs milliers de partisans de l’opposition ont participé à une première marche d’envergure à Lomé pour exiger ces réformes constitutionnelles et institutionnelles. À l’appel du Parti national panafricain (PNP), parti d’opposition, des milliers de manifestants ont par la suite investi les rues de Lomé, Anié, Sokodé et Kara le 19 août pour demander le retour à la Constitution de 1992. Ces marches ont donné lieu à des affrontements avec les forces de l’ordre causant la mort de deux civils à Sokodé et faisant plusieurs blessés. Des dizaines d’arrestations ont également eu lieu. Une journée « ville morte » a été organisée par l’opposition à Lomé le 25 août. En réponse, plusieurs milliers de partisans du président Gnassingbé ont marché à leur tour dans les rues de Lomé le 29 août pour soutenir le gouvernement.
En outre, plus de 500 Togolais auraient trouvé refuge au Ghana au cours de l’automne afin de fuir la répression des forces de sécurité dans ce contexte de contestation populaire.
Plusieurs villes ont également été privées de connexion Internet en marge des manifestations du mois de septembre et octobre. Ces tensions politiques et sociales ont mené le gouvernement togolais à annuler la Conférence ministérielle de la Francophonie (CMF) qui devait se tenir à Lomé à la fin du mois de novembre. En outre, plus de 500 Togolais auraient trouvé refuge au Ghana au cours de l’automne afin de fuir la répression des forces de sécurité dans ce contexte de contestation populaire.
Dialogue politique
Lors d’une rencontre de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à Niamey le 24 octobre, plusieurs chefs d’État ont appelé le gouvernement togolais à respecter le droit de manifester, à mettre fin aux violences et à ouvrir un dialogue inclusif. Déjà en septembre, le président de la CEDEAO avait encouragé le pouvoir togolais à dialoguer avec l’opposition et à réaliser des réformes constitutionnelles. Au cours du mois de novembre, les autorités togolaises ont ainsi levé l’interdiction des manifestations en semaine et ont annoncé la tenue d’un dialogue politique entre le parti présidentiel et l’opposition.
En décembre, le gouvernement togolais a convié les représentants des principaux partis politiques à des consultations afin de recueillir leurs avis et suggestions concernant les modalités du dialogue. La coalition de l’opposition a toutefois boycotté ces consultations du fait que seuls 5 des 14 partis d’opposition auraient été invités et a dénoncé l’absence de médiations.
Le projet de réforme constitutionnelle reprend les principales revendications des protestataires, soit la limitation du nombre de mandats présidentiel et l’instauration d’un scrutin à deux tours
Or, des efforts de médiation ont depuis été entamés par les présidents ghanéen et guinéen et ont mené l’ouverture d’un dialogue inter-togolais le 19 février à Lomé afin de trouver une solution à la crise. Le dialogue a d’abord permis la libération de 45 détenus, arrêtés à la suite des manifestations, par le Président de la République. Le 23 février, le dialogue fut toutefois suspendu sine die en raison d’un blocage sur la question du retour à la Constitution de 1992.
Projet de réforme constitutionnelle
En septembre, un avant-projet de loi portant sur la réforme constitutionnelle a été adopté par le Conseil des ministres. Le projet de réforme constitutionnelle reprend les principales revendications des protestataires, soit la limitation du nombre de mandats présidentiel et l’instauration d’un scrutin à deux tours. Le texte a été approuvé par les 2/3 des membres de l’Assemblée nationale, l’opposition parlementaire ayant boycotté le vote. Le projet de réforme constitutionnelle n’a toutefois pas obtenu les 4/5 des voix requises par l’article 144 de la Constitution ; il sera donc soumis de facto à un vote par référendum « au cours des prochains mois ».