Auteur(s) : Pyalo Da-do Nora Amedzenu-noviekou , Paul-simon Handy , Ella Jeannine Abatan et Michaël Matongbada
Organisation affiliée : Institut d’études de sécurité (ISS)
Type de publication : Article web
Date de publication: 30 Octobre 2019
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Depuis 2018, la menace terroriste longtemps confinée au Sahel se répand vers les pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest. Pour le Togo, ce risque a été confirmé le 15 février 2019 lors d’une attaque contre un poste mobile de douane, à Nohao, dans la province du Boulgou au Burkina, proche de la région des savanes du Togo. Cet incident a fait cinq victimes dont quatre douaniers et un prêtre espagnol.
La région des savanes du Togo est frontalière aux régions de l’Est et du Centre-Est du Burkina qui connaissent une recrudescence d’attaques attribuées à des groupes extrémistes violents actifs au Sahel. Il pourrait s’agir de l’État islamique dans le Grand Sahara, de Ansarul Islam ou du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans.
Afin de faire face à cette menace, le gouvernement togolais a adopté plusieurs mesures, dont la création du Comité interministériel de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent (CIPLEV), le 15 mai 2019. Mécanisme non-militaire, le CIPLEV vient en complément aux mesures prises par le Togo depuis 2017 pour prévenir l’extrémisme violent sur son territoire.
La région des savanes du Togo est frontalière aux régions de l’Est et du Centre-Est du Burkina qui connaissent une recrudescence d’attaques attribuées à des groupes extrémistes violents actifs au Sahel
Il a pour mission, d’une part, « d’éradiquer ou de réduire sensiblement la propagation de l’extrémisme violent sur l’ensemble du territoire togolais » et d’autre part, de « renforcer la coopération et la collaboration entre l’administration, les forces de défense et de sécurité et la société civile ».
En septembre 2017, avant la création du CIPLEV, le Togo est devenu membre de l’Initiative d’Accra et participe, dans ce cadre, aux opérations militaires conjointes Koudalgou. Le gouvernement togolais a également lancé, en septembre 2018, l’opération Koundjoare dans la région des Savanes. Elle vise à prévenir l’infiltration de terroristes sur son territoire et à renforcer le lien entre la population locale et les forces de défense et de sécurité à travers la conduite d’actions civilo-militaires au profit des communautés.
Les groupes extrémistes pourraient exploiter les vulnérabilités qui existent au Togo pour s’infiltrer sur le territoire
Le Togo a également procédé à l’amendement de deux textes législatifs : la loi sur la décentralisation et les libertés publiques et la loi sur la sécurité intérieure, dans le but d’adapter son dispositif juridique aux menaces émergentes, dont l’extrémisme violent.
Aussi innovantes qu’elles puissent paraître, les mesures prises par le Togo pour prévenir et lutter contre l’extrémisme violent sur son territoire doivent être soumises au test de la réalité. L’extrémisme violent est une menace nouvelle pour les pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest. Par conséquent, les expériences de prévention à partir desquelles des enseignements pourraient être tirés sont limitées en nombre.
Il est donc important pour le CIPLEV et ses démembrements de parvenir à une compréhension partagée du phénomène de l’extrémisme violent. Ceci passe par la création de cadres d’échanges et de partage d’expériences aux niveaux national et régional. Par ailleurs, le Comité devra se baser sur les leçons tirées de l’installation de ses démembrements dans chacune des cinq régions du Togo. Ceci permettra de contextualiser les mesures préventives afin d’assurer leur efficience.
Plusieurs facteurs de vulnérabilité existants au Togo pourraient être exploités par les groupes extrémistes violents pour s’infiltrer sur le territoire. Ceux-ci comprennent l’absence ou l’insuffisance de services publics dans certaines régions, les liens relativement distendus entre la population et les forces de défense et de sécurité, ainsi que les anciens conflits mal gérés – liés au foncier, à la chefferie traditionnelle, aux tensions communautaires et à la transhumance. À cela s’ajoutent les tensions politiques récurrentes autour des échéances électorales que connaît le pays depuis 2006.
La menace terroriste présente une fenêtre d’opportunité pour le gouvernement togolais de renforcer le contrat social entre l’État et la population
La menace liée à l’extrémisme violent au Togo offre une fenêtre d’opportunité au CIPLEV d’œuvrer pour renforcer le contrat social entre l’État et la population. Le Comité devra être inclusif dans sa démarche et collaborer avec les structures gouvernementales dédiées, les chefs religieux et traditionnels, la société civile, et les acteurs politiques de tous bords. Ces actions devront s’attaquer aux déficits en matière de gouvernance, notamment locale, qui pourraient être exploités par les groupes pour s’implanter et recruter au sein des communautés locales.