Journée Internationale des Femmes : La violence sexiste nous rappelle qu’il reste du travail à faire, Afrobarometer, mars 2023

Journée Internationale des Femmes : La violence sexiste nous rappelle qu’il reste du travail à faire, Afrobarometer, mars 2023

Auteur : Koffi Amessou Adaba 

Site of the publication : Afrobarometre  

Type de publication : Article 

Date de publication : Mars 2023

Lien vers le document original

 

Même si la violence basée sur le genre (VBG) affecte aussi parfois les hommes, la focalisation sur le cas des femmes se justifie à plusieurs égards. Il y a déjà longtemps que les rapports hommes/femmes sont régis par une relation de pouvoir très inégale où les hommes jouent un rôle social dominant.  

Et ce sont les femmes qui sont le plus souvent victimes des VBG. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), une femme sur trois au monde a été violée, battue, forcée à l’acte sexuel ou abusée du moins une fois de sa vie. Or, la violence à l’égard des femmes perpétue la pauvreté en limitant leur capacité de travailler, leur liberté de mouvement, leur accès à l’information et la scolarisation de leurs enfants. 

Au Togo, la violence sexiste est une réalité. Près de trois femmes sur 10 (29%) ont subi des violences physiques depuis l’âge de 15 ans. En 2016, les centres d’écoutemis en place par le gouvernement ont assisté plus de 700 cas de violences. Ces chiffres sont parfois en deçà de la réalité à cause des pesanteurs socio-culturels empêchant la dénonciation et du fait de la banalisation des violences faites à l’égard des femmes. 

L’État togolais en collaboration avec plusieurs autres acteurs demeurent sensibles aux violences faites aux femmes, mais malgré les efforts louables du gouvernement, les violences envers les femmes sont persistantes au Togo. 

Au Togo, la violence sexiste est une réalité. Près de trois femmes sur 10 (29%) ont subi des violences physiques depuis l’âge de 15 ans

Selon les résultats de l’enquête d’Afrobarometer au Togo en mars 2022, conduite par le Center for Research and Opinion Polls (CROP), pour près de la moitié des Togolais, il est justifié que l’homme batte sa femme lorsque celle-ci pose un acte qu’il n’a pas aimé. Les Togolais préfèrent que les violences conjugales soient gérées en privée plutôt qu’en suivant des procédures pénales. D’après les répondants, une femme victime de VBG et qui porte plainte sera prise au sérieux par la police, mais risque d’être critiquée, harcelée ou humiliée par la communauté. La majorité des Togolais apprécient bien les efforts fournis par le gouvernement pour promouvoir les droits des femmes, mais exigent encore davantage.

Plus spécifiquement : 

Plus du quart des Togolais disent qu’il est « assez courant » (22%) ou « très courant » (6%) pour les hommes d’utiliser la violence contre les femmes. 

Près de la moitié (47%) des Togolais pensent qu’il est « parfois » ou « toujours » justifié qu’un homme batte sa femme – une augmentation de 11 points de pourcentage comparé à 2017 (36%). 

Environ deux tiers (64%) des Togolais soutiennent que la violence domestique est une affaire familiale plutôt qu’une affaire pénale. 

La majorité des répondants déclarent qu’il est probable que la police prenne au sérieux une plainte d’une victime de VBG (91%), mais que la plaignante risque d’être harcelée ou critiquée par sa communauté (61%). 

Une large majorité de Togolais sont d’accord avec la performance du gouvernement dans la promotion des droits des femmes (81%), mais estiment que ce dernier doit faire « un peu plus » ou « beaucoup plus » dans ce secteur (82%).

Fréquence et perception des VBG 

La fréquence de la violence à l’égard des femmes est ici déclarative. Il a été demandé aux citoyens togolais s’il est courant que les hommes exercent la violence sur les femmes et les filles à la maison ou dans leur communauté. 

Il ressort qu’il est « assez courant » (22%) voire « très courant » (6%) pour les hommes d’utiliser la violence contre les femmes et les filles à la maison ou dans la communauté selon les Togolais. 

La perception de violence sur les femmes et les filles est plus élevée chez les femmes (29%) que chez les hommes (26%). Elle est plus élevée dans les régions de la Savane (32%) et des Plateaux (31%) que dans la Kara (19%) et la Centrale (21%). La violence est plus perçue par les chrétiens (29%) que les musulmans (22%), et croit avec le niveau de pauvreté. Elle est de 30% chez les plus pauvres et de 23% chez les moins pauvres. 

La violence domestique est l’une des manifestations de la VBG. Près de la moitié (47%) des Togolais estiment qu’il est « parfois justifié » (34%) ou « toujours justifié » (13%) qu’un homme batte sa femme. Ils étaient moins nombreux (36%) en 2017 à dire la même chose. 

Plus de quatre femmes sur 10 (45%) pensent qu’il est « toujours justifié » (10%) ou « parfois justifié » (35%) qu’un homme exerce la violence physique sur sa femme. La proportion de ceux qui pensent qu’il est justifié qu’un homme batte sa femme est plus élevée dans les régions de la Savane (77%) et de la Kara (64%) que dans la région des Plateaux (28%). Par ailleurs, plus l’âge évolue, plus les Togolais estiment qu’il n’est jamais justifié qu’un homme frappe sa femme si elle a fait quelque chose qu’il n’aime pas ou pense être mal. 

La violence domestique est l’une des causes principales de la mort ou de l’atteinte à la santé des femmes entre 16 et 44 ans. Dès lors, lorsqu’une violence domestique survient, son traitement doit-il être fait en famille ou plutôt devant les institutions juridiques ? 

Plus de six Togolais sur 10 (64%) estiment que la violence domestique doit être réglée en famille et non devant les juridictions pénales telles que les forces de l’ordre. Cette assertion est plus soutenue par les hommes (67%) que par les femmes (61%). Elle est plus prononcée dans la région Centrale (77%), chez les musulmans (75%), les plus de 35 ans (70%-72%) et les moins instruits (73%-75%) que dans les autres régions surtout Lomé (56%), chez les chrétiens (61%), les moins de 36 ans (59%-61%) et les plus instruits (51%) 

Réponses aux VBG 

Les résistances socioculturelles et institutionnelles sont encore persistantes vis-à-vis des VBG au Togo. Dans ces conditions, les réactions de la société envers les victimes des VBG sont aussi importantes que celles des institutions chargées de leur contrôle social formel. Les données d’Afrobarometer permettent de rendre compte de la façon dont les violences faites aux femmes sont traitées par la société mais également par les institutions comme la police. 

Au Togo, la majorité (61%) des citoyens disent qu’il est « quelque peu probable » (41%) ou « très probable » (20%) que si une femme porte plainte à la police en cas de VBG telles que le viol ou la violence conjugale, elle sera critiquée, harcelée ou humiliée par les membres de sa communauté. Cette perception est plus élevée chez les femmes (63%) que chez les hommes (59%).

Plus de six Togolais sur 10 (64%) estiment que la violence domestique doit être réglée en famille et non devant les juridictions pénales telles que les forces de l’ordre

Cependant, neuf Togolais sur 10 (91%) disent qu’il est probable que la police prenne au sérieux toute plainte déposée par une femme victime de VBG (Figure 7). Cette perception est fortement répandue à travers les groupes démographiques clés même si elle l’est moins dans la Savane (75%).

Enfin, la majorité des répondants estiment que le gouvernement promeut bien l’égalité des droits et des chances en faveur des femmes (81%) (Figure 9), mais trouvent que ce dernier devrait faire plus dans la promotion des droits de la femme (82%).

Du travail à faire 

Les violences basées sur le genre constituent une réalité au Togo. Il est justifié pour beaucoup de Togolais que les hommes battent leurs femmes lorsque celles-ci posent un acte qu’ils n’ont pas aimé ou pensent être mal. Une femme victime de VBG et qui porte plainte à la police pourra être critiquée, harcelée ou humiliée par sa communauté. Et pour gérer les cas de violences faites aux femmes, les Togolais préfèrent se référer à la famille plutôt qu’en suivant des procédures pénales. 

Ces attitudes nous rappellent, a l’occasion de la Journée Internationale des Femmes, qu’il nous reste du travail à faire. Le gouvernement et les élus togolais sont, ainsi, invités à faire davantage dans la promotion de l’égalité et des droits des femmes – y compris leur droit d’être à l’abri de la violence.