Auteur (s) : Mamadou Ndoye et Dramane Oulai
Organisation affiliée: Global Partnership
Date de publication: Novembre 2013
Lien vers le document original
*Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.
Ce rapport présente l’évaluation du Plan Sectoriel de l’Education (PSE) 2010-2025 du Togo. L’évaluation s’est déroulée sur le terrain du 18 au 29 Novembre 2013 et a été effectuée par une mission composée de Mamadou Ndoye spécialiste en politiques d’éducation et Dramane Oulai économiste d’éducation. Le PSE 2010-2025 actualise le PSE 2010-2020 qui avait déjà fait l’objet d’une évaluation en Décembre 2009 avant d’être endossé par l’IMOA/EPT en mars 2010 et financé par le Fonds Catalytique à hauteur de 45 millions dollars E.U. L’actualisation opérée en 2013 fait suite à la mise en oeuvre et aux résultats du premier plan triennal (2010-2012) du PSE. Elle est basée sur une consolidation des acquis et la prise en compte de nouvelles données et orientations.
L’évaluation a porté sur la version du PSE 2010-2025 disponible au 18 Novembre 2013 et dont la substance est ainsi structurée : 1) Le contexte d’actualisation du PSE ; 2) les éléments de diagnostic ; 3) la politique sectorielle nationale : axes stratégiques, principes directeurs et objectifs prioritaires ; 4) les composantes de la stratégie sectorielle et 5) la gestion et le pilotage du secteur.
ANALYSE DU CONTEXTE ET DES TENDANCES D’EVOLUTION EN RELATION AVEC L’IMPACT SUR LE SECTEUR DE L’EDUCATION
Le cadre politique et stratégique de l’éducation en tant que facteur et effet du développement d’un pays doit s’inscrire dans la vision globale du futur à construire et contribuer à la réalisation des transformations à opérer dans les secteurs les plus porteurs pour enclencher un cycle vertueux. La stratégie nationale de développement durable (SNDD) met en perspective un Togo émergent à l’horizon 2030 et s’oriente, pour y parvenir, vers quatre axes stratégiques i) la consolidation de la relance économique et la promotion de modes de production et de consommation durables , ii) la dynamisation du développement des secteurs sociaux et la promotion des principes d’équité sociale, iii) l’amélioration de la gouvernance environnementale et la gestion durable des ressources naturelles et iv) l’éducation et le renforcement des compétences par le développement durable.
Le dernier axe stratégique sur le développement des compétences est censé se focaliser sur quatre priorités que fixe la politique du gouvernement à moyen terme (2013-2017) i) l’accélération de la croissance économique ; ii) l’emploi et l’inclusion ; iii) le renforcement de la gouvernance et iv) la réduction des disparités régionales et la promotion du développement à la base. Dans cette perspective, l’éducation est à planifier et à mettre en œuvre pour développer une offre répondant adéquatement à la réalisation des objectifs spécifiques énoncés par la stratégie de croissance accélérée et de promotion de l’emploi.
Il s’agit de : i) porter le taux moyen de croissance réelle à 5,9% par an partant de 5,6% en 2012 pour atteindre 6% en 2015 et 6,1% en 2017 induisant une croissance du PIB/Hab. de l’ordre de 3% par an ; ii) porter le taux d’investissement brut global à 20,9% en moyenne par an partant d’un niveau moyen de 18,6% au cours des trois dernières années (2009-2011) ; iii) réduire l’incidence de la pauvreté monétaire de 58,7% en 2011 à 50,9% en 2015 et 47,3% en 2017, soit une baisse significative de 11,4% point en 5 ans et iv) réduire le sous-emploi de 22,11% en 2011 à 20,5% en 2015 et 19,3% en 2017.
De tels axes devraient alors orienter le cadrage politique et stratégique du secteur de l’éducation afin de mettre celui-ci au service des besoins du développement national et de la demande de l’économie et de la société. L’éducation est-elle à même d’apporter une telle contribution ? Il convient tout d’abord de considérer les contextes et leurs tendances d’évolution en relation avec leur impact sur le secteur avant d’examiner les performances et le potentiel de développement de l’éducation
Un contexte économique favorable à l’augmentation des ressources allouées à l’éducation
Le contexte économique qui représente un facteur déterminant de premier ordre semble favorable. Apres une longue période de crise économique marquée par deux décennies de détérioration des indicateurs sociaux (entre 1990 et 2006 le revenu par habitant y a baissé de 8%), le Togo a renoué avec une croissance économique supérieure à la croissance démographique. Cette croissance économique est en hausse continue depuis 2008. Elle favorise l’augmentation des ressources publiques et du PIB/Hab. donc offre des marges significatives d’augmentation aux dépenses en faveur de l’éducation.
En taux du PIB réel, la croissance est passée de 2,4% en 2008 à 3,4% en 2009, à 4% en 2010 et 4,9% en 2011. Pour 2012, l’estimation est de 5,6%. Il s’y ajoute un cadre macro-économique relativement stabilisé avec un niveau d’inflation modéré, un endettement extérieur en recul, un équilibre mieux maîtrisé entre recettes budgétaires et dépenses publiques et de nouvelles possibilités d’équilibre de la balance commerciale. De manière plus globale, le cadre de développement est devenu plus propice grâce au retour de la stabilité politique et de la paix sociale, l’amélioration de la gouvernance publique, la reprise de la coopération internationale qui avait été suspendue, l’allégement substantiel de la dette publique extérieure…
Un contexte démographique contraignant pour l’éducation
En revanche, le contexte démographique ne cesse d’accroître les besoins et la demande d’éducation et de formation. Le taux de croissance démographique moyen est passé de 2,47% par an en 1981 à 2,84%. Ce qui équivaut à un doublement de la population tous les 25 ans. De 2.719.567 habitants en 1981, la population totale est passée à 6.191.155 en 2010 avec une majorité de femmes (51,4%) et de jeunes (60% de moins de 25 ans et 42% de moins de 15 ans). La population scolarisable, du jardin d’enfants jusqu’au lycée, estimée à environ 2 290 000 personnes en 2010 est appelée à augmenter à près de 2 981 000 en 2020 et à 3 312 000 en 2025.
Cette forte tendance à la hausse crée une pression forte et croissante de la demande d’éducation qui exige un accroissement conséquent de l’offre donc plus d’enseignants à recruter et d’infrastructures scolaires à mettre en place, en particulier dans les régions où le taux de croissance démographique est supérieur à la moyenne nationale (Région des Savanes 3,8% et Région maritime 3,16%). En outre, l’urbanisation rapide et incontrôlée accroît surtout la pression dans la « Grande agglomération de Lomé » (23,9% de la population totale) qui est la destination de prédilection de la majorité des migrants ruraux dont la plupart sont des jeunes.
Un contexte social peu propice à l’équité de l’éducation
Le contexte social est caractérisé par une lenteur des avancées et une aggravation des inégalités qui posent de sérieux défis aux politiques d’équité en matière d’éducation. En 2011, l’IDH du Togo (0,435) se situe au-dessous de la moyenne africaine alors qu’il était supérieur à celle-ci en 2000. La lenteur des avancées sociales est illustrée par la baisse lente de la pauvreté de 61,7% en 2006 à 58,7% en 2011 soit un déclin de 3 points en 5 ans. En 2011, la pauvreté frappe plus les populations rurales (73,4% sous le seuil de pauvreté) que les populations urbaines, (28,5% à Lomé et 44,7% dans les autres zones urbaines).
Elle est en outre inégalement répartie entre les régions : Savanes (73% d’extrême pauvreté monétaire en 2011), Centrale (45%), Kara (37%), Plateaux (33%), Maritime (21%) dont grand Lomé (4%). Selon l’indice GINI, ces inégalités s’aggravent à tous les niveaux : National de 0,361 à 0,393 ; Urbain de 0,336 à 0,352 ; Rural de 0,320 à 0,354 ; Lomé de 0,333 à 0,337 ; Maritime de 0,289 à 0,330 ; Plateau de 0,335 à 0, 354 ; Centrale de 0,298 à 0,310 ; Kara de 0,352 à 0, 354 ; Savane de 0,342 à 0,344. Elles se traduisent aussi par un accès relativement limité aux services sociaux de base et un degré insuffisant d’atteinte des objectifs de développement du millénaire.
Une efficacité interne et une qualité insuffisantes
Malgré les progrès ainsi enregistrés dans l’accès, la scolarisation primaire universelle reste un défi : 7% des enfants d’une génération n’entrent pas à l’école et ils sont rejoints dans l’exclusion par 23% de ceux qui y entrent mais abandonnent avant la fin du primaire. L’efficacité interne faible est aggravée par des taux élevés de redoublement : 21,5% au primaire, 22% au secondaire et 35% au secondaire.
A ce défi, s’articule celui de la qualité que révèlent les faibles résultats de l’apprentissage. Les scores des élèves togolais sont nettement en dessous de la moyenne aux évaluations PASEC (30,6/100en français et 36,4/100 en mathématiques). Des proportions importantes de candidats aux examens nationaux ne maitrisent pas les connaissances de base requises aux niveaux considérés : 26,1% au BEPC, 29% au Bac C, 56% au Bac D. Les ratios élèves/enseignants dans le Préscolaire s’élèvent à 31,8% et dans le primaire (43,5) sont relativement élevés même s’ils se situent dans la moyenne africaine.
De fortes disparités
L’équité demeure également un défi. La parité Filles/garçons est certes atteinte dans l’accès au primaire mais pas dans l’achèvement (F=67%/G=82%). Ces disparités deviennent encore plus fortes au fur et à mesure que l’on monte aux niveaux supérieurs : au secondaire 1 (F=28%/G=51%) et au secondaire 2 (F=9%/G=24%). Dans l’ETFP la proportion des filles s’élève globalement à 37% (2009) mais chute à 3% dans les filières industrielle. De même si 90% des ruraux entrent au Primaire contre 97% des urbains, l’écart se creuse progressivement jusqu’à 3 fois plus d’urbains que de ruraux à la fin du secondaire.
Du point de vue socioéconomique, les enfants provenant des ménages du quintile le plus riche ont 13% plus de chances d’entrer dans le primaire ; 34% de plus d’achever le primaire ; 2,7 fois plus d’achever le secondaire 1 ; 6,8 fois plus d’achever le secondaire 2 et 20 fois plus d’accéder à l’ETFP que les enfants issus du quintile le plus pauvre. On observe également de fortes inégalités régionales. Dans la Région des Savanes près de 17% des enfants n’entrent pas à l’école et près de 46% n’achèvent pas contre respectivement 3% et 15% à Lomé