Nos systèmes éducatifs forment pour le salariat et le fonctionnariat

Nos systèmes éducatifs forment pour le salariat et le fonctionnariat

Les entretiens de WATHI – Les régions du Togo

Ben Baba Dadjo

Ben Baba Dadjo est promoteur communautaire. Il est titulaire d’une Licence en Sciences de l’éducation.

Quel regard portez-vous sur le système éducatif du Togo ? 

Comme pour la plupart des Etats de l’Afrique francophone, la situation du Togo en matière d’alphabétisation et de développement de la personnalité n’est pas du tout enviable. En l’état actuel, nos systèmes éducatifs, quel que soit le lieu où l’on se retrouve en Afrique noire francophone, fabriquent des « consommateurs » en attente des postes dans un secteur formel où les emplois se raréfient.

Certes, il y a des facteurs contextuels ; cependant, il est urgent de dépasser le marché de dupes que nous vendent les organismes internationaux influenceurs du monde de l’éducation. On ne peut rester insensible devant le « ridicule » de nos politiques éducatives. Un trésor y serait caché disent-ils ! Lequel ? Pour quel type/forme d’éducation? Celui distillé dans les nombreux établissements d’enseignement général au détriment des structures de formation professionnelle délaissées?

Dans un monde où les activités des entreprises deviennent chaque jour plus pointues pour capter de la croissance, l’offre de formation doit correspondre aux niveaux de compétences attendues. L’éducation à l’auto – direction dans un contexte où le travail est incertain et instable requiert, de nos Etats de réussir un savant dosage entre apprendre à connaître, apprendre à faire, apprendre à être et apprendre à vivre ensemble. Ceci a été déjà théorisé dans la logique de l’apprentissage tout au long de la vie par opposition à l’éducation tout au long de la vie, davantage courant dans nos pays.

L’étude Gallup (2016) est bien trop parlante sur l’urgence de dépasser le réflexe des diplômes multiples. Une personne sur 10 occupe un très bon emploi, c’est à dire un emploi de qualité qu’elle affectionne et pour lequel elle se sent engagée et prête à utiliser toutes ses forces pour y exceller. Les 9 autres restantes occupent un emploi, le temps de trouver mieux ailleurs.   Pourquoi? Parce que nos systèmes éducatifs forment pour le salariat et le fonctionnariat.

Incidemment, il n’est pas surprenant de voir des diplômés du supérieur qui choisissent de travailler dans des segments du marché du travail qui valorisent le moins leur niveau d’éducation et leurs aspirations pré-études. A âge égal, le prix du temps passé à l’école augmente peu, sinon très peu, le niveau revenu et les dividendes sociaux. Les moins lettrés sont plus entreprenants que les lettrés qui fonctionnent tous comme des cultivateurs aux souliers vernis, friands de veste costume et de boubou basins bien brodés.

Qu’est-ce que des disciplines comme les Lettres modernes, l’Anthropologie, la civilisation américaine, etc., proposent comme solution pratique à des questions d’actualité comme les changements climatiques ? Qu’attendons-nous des élèves de lycée à qui on oblige de connaitre les Etats-Unis d’Amérique, le Japon et d’autres pays par cœur ? A quoi cela me sert d’avoir appris à dessiner un criquet au collègue ?

Quelles solutions proposez-vous ?

Je pense humblement, qu’il n’y a pas d’équilibre qui vaille, à l’analyse de nos systèmes éducatifs. Il faut avoir le courage de remettre tout à plat, sans état d’âme et poser les jalons d’une éducation qui structure l’épanouissement individuel et forge le devoir de participation au développement de la société togolaise. Il faut carrément rompre avec le cycle malheureux de diplôme sans travail, instruction sans fonction et éducation sans emploi.

Avec une volonté politique et un peu de courage, c’est possible d’avoir un système éducatif conçu par les togolais, adapté aux Togolais, pour le développement des Togolais. Je suis donc d’accord avec le président béninois qui soutient qu’il faut «fermer les écoles de “bavardage” pour apprendre à la jeunesse des métiers pratiques à l’école, telle est la solution qui sauvera ce pays, malade de son modèle d’éducation.»


Crédit photo : valentinesama.com

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