Lutte contre la Covid au Togo: durant les fêtes de fin d’année, un couvre-feu nocturne a été instauré sur tout le territoire national

Lutte contre la Covid au Togo: durant les fêtes de fin d’année, un couvre-feu nocturne a été instauré sur tout le territoire national

Les entretiens de WATHI – Série Covid-19 – Focus Togo

Tchalla Gnimdou

Les autorités togolaises ont décidé d’instaurer un couvre-feu sur toute la période de fête de fin d’année afin de limiter la progression du Coronavirus. Comment appréciez-vous cette décision ?

La décision d’instaurer le couvre a été salutaire non seulement parce qu’elle a pu limiter les éventuels nouveaux cas qu’auraient généré les fêtes de Noël et du nouvel an, mais également parce que le couvre-feu a permis de diminuer le nombre d’accidents durant cette période de fête. Le couvre-feu nocturne a été instauré sur tout le territoire national. A Lomé, il a démarré le 20 décembre et a été levé  le 03 Janvier 2021.  Pour l’intérieur du pays, le  couvre-feu s’est appliqué seulement les 24, 25 et 31 décembre 2020, et le 1er janvier 2021, de 23 heures à 05 heures.

En dehors du couvre-feu, il a également été interdit aux Togolais la consommation sur place dans tous les bars sur toute l’étendue du territoire national, y compris cabarets traditionnels de vente de Tchokoutou, du Déha, ou du Sodabi, des boissons traditionnelles togolaises qui réunissent parfois un grand nombre de personnes. Les night-clubs, les salles de spectacles ont été fermées.

En outre, la célébration de culte a été interdite sauf un jour par semaine (dimanche pour les chrétiens et vendredi pour les musulmans) ainsi que les célébrations des 24, 25 et 31 décembre 2020 et le 1er janvier 2021. Tous les évènements commerciaux et culturels ont été interdits sauf la quinzaine commerciale qui s’est déroulée dans le strict respect des mesures barrières et des horaires du couvre-feu.

Comment les Togolais ont-ils accueillis ces mesures ?

Toutes ces mesures ont été accueillies différemment par les togolais qui ont majoritairement  boudé ces nouvelles dispositions. Mais il faut comprendre la nécessité de freiner ce virus. Laisser les togolais fêter comme d’habitude en ne prenant pas en compte le contexte qui prévaut, c’est favoriser la multiplication des cas alors qu’au même moment, nous n’avons pas  d’infrastructures adéquats et l’expertise nécessaire pour faire face à une flambée similaire à ce qu’on a pu observer en Occident.

Il faut apprendre des expériences passées. On a tous vu comment les fêtes et autres célébrations religieuses passées, notamment la Tabaski et le Ramadan ont fait augmenter le nombre de cas. Ces fêtes étant souvent l’occasion d’un brassage au sein de la population. Ce qui implique qu’il faut prendre des décisions préventives fortes à titre même si elles ne seront pas forcément appréciées par l’ensemble des togolais.

Je dois néanmoins rappeler que ces décisions ont été prises sur recommandation du Conseil Scientifique en charge de la gestion de la crise sanitaire actuelle et suite à des concertations avec les différents acteurs (leaders religieux, élus locaux, préfets, patronat, syndicats des tenanciers de bars et restaurants, etc.).

Pouvez-vous nous expliquer comment le couvre-feu a permis de réduire les accidents à Lomé ?

Au premier semestre 2020, le Togo a enregistré 2627 accidents de la route pour un bilan humain de 241 morts. A Lomé, le couvre-feu a permis de réduire considérablement les accidents qu’on a pu observer lors des fêtes de fin d’année précédente. Au Togo, les festivités de fin d’année sont des moments de détente et de célébration et parfois de relâchement. C’est également la période où l’on enregistre une augmentation des accidents de route causés, à mon avis, généralement par l’inobservance du code de la route et l’abus de l’alcool.

Il est vrai qu’on a constaté un pic d’accidents journaliers entre 19 heures et 21 heures. Cela est effectivement dû au fait que tous les usagers de la route sont pressés de rentrer à la maison avant le début du couvre-feu.  Du coup, les conducteurs augmentent la vitesse en pleine agglomération et violent les feux tricolores. A cela s’ajoute l’état délabré des routes secondaires qui contraint l’ensemble des conducteurs à emprunter uniquement les voies principales praticables, augmentant ainsi le trafic.

Néanmoins, dans l’ensemble, les accidents ont été considérablement réduits comparativement aux journées sans couvre-feu ou aux périodes de fêtes des années précédentes. Habituellement, les cas d’accidentés déferlent toutes les heures au service de traumatologie du Centre hospitalier Universitaire de Tokoin, mais cette année, les nuits ont été moins troublantes et mouvementées pour les spécialistes de ce secteur. On a aussi entendu très peu la sirène des sapeurs-pompiers. Bref, il y a eu moins d’accidents cette année à cause du couvre-feu.

Ce résultat devrait exhorter les autorités à trouver  une formule similaire, un couvre-feu flexible pour réduire les abus auxquels les togolais se livrent en périodes de fête.

Quels sont les impacts socioéconomiques pour les populations togolaises ?

Les moments de fête sont également des périodes d’affaires pour les commerçants et les tenanciers des bars et des espaces de manifestations culturelles.  On peut donc comprendre le  mécontentement et cette  frustration observés chez les gérants de bars et de restaurants. A l’approche des fêtes, ces derniers investissent dans la rénovation de leurs infrastructures et recrutent du personnel complémentaire pour faire face à la grande demande. La fermeture des bars a donc été un  coup dur pour ce secteur qui emploie une part non négligeable des jeunes. Cette année, ils n’auront pas de retour sur investissement. Je rappelle que Lomé à elle seule compte pas moins de 70.000 bars et maquis. On peut comprendre la perte économique énorme  infligée à ce secteur.

Ce que je déplore également c’est que le gouvernement ait attendu la dernière minute pour surprendre ses citoyens avec ces restrictions drastiques. Si l’information avait été donnée plus tôt, certains tenanciers auraient pu éviter de faire des dépenses inutiles dans la rénovation de leur infrastructure. Pour ce genre de décision, le gouvernement gagnerait à adopter une démarche plus inclusive qui prendrait en compte les avis de tous les acteurs impliqués.

Les populations s’étaient indignées des bavures commises par les éléments de la FOSAP lors du couvre-feu instauré au début de la pandémie. Avez-vous observé des améliorations dans la gestion du dernier couvre-feu ?

Contrairement au premier couvre-feu qui a été caractérisé par des bavures et des dérives des éléments de la Force Spéciale Anti Pandémie (FOSAP), le nouveau s’est déroulé sans incident majeur à Lomé. En avril 2020, les forces de l’ordre n’ont pas hésité à recourir à la violence pour faire respecter les consignes des autorités. On a observé des pertes en vies humaines, des coups de matraque et des humiliations de tous genres sur les populations civiles au nom de la lutte contre le Covid-19 au détriment de la loi qui prévoit des sanctions à appliquer en cas de violation d’une mesure.

Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux montraient les abus commis par des éléments de la force spéciale de lutte contre le coronavirus sur les populations civiles. En ce moment, les violences de la force anti pandémie ont plus de dégâts que le coronavirus pour lequel le couvre-feu a été décrété. Les autorités avaient alors réagi en rappelant les forces de l’ordre au professionnalisme et en ouvrant des enquêtes pour les cas de violences. Le responsable de la FOSAP a même été remplacé.

Cette fois, pour éviter ce genre de bavures, le gouvernement a pris des dispositions pour le respect des droits de l’homme durant la veille des  forces de l’ordre. Un monitoring a été assuré par la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) et certaines organisations de la société civile sous la coordination du ministère en charge des droits de l’homme. Pour ce couvre-feu, il faut féliciter les éléments de la FOSAP qui ont agi en professionnels, sensibilisant les populations.

 


Crédit photo : Togofirst

Tchalla Gnimdou

 

Tchalla Gnimdou est diplômé en Sociologie de la santé. Il travaille sur un programme de la santé de reproduction pour le compte d’une ONG locale.

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