COVID-19: état des lieux et stratégie de riposte au Togo

COVID-19: état des lieux et stratégie de riposte au Togo

Gnamke Esso Wedeou

Le 16 mars 2020, le Togo annonçait officiellement le premier cas de COVID-19 sur son sol. Depuis cette annonce, le pays ne cesse d’enregistrer de nouveaux patients avec une recrudescence des contaminations durant les mois de mai et juin 2020. A ce jour, toutes les régions du Togo sont atteintes par la pandémie avec un cumul de 783 cas confirmés, dont 214 actifs, 554 patients guéris et 15 décès.

Localisation des cas et décès de COVID – 19 au Togo au 15 juillet 2020

Source : Rapport de situation N°126 au 15 juillet 2020

Pour circonscrire les différents foyers et rompre la chaine de transmission de la COVID-19, le gouvernement togolais a pris un ensemble de dispositions de prévention qui viennent s’ajouter aux mesures barrières conventionnelles recommandées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ces mesures, annoncées par le président de la République dans son discours à la Nation du 1er  avril 2020, touchent plusieurs domaines de la vie socioéconomique et politique des Togolais.

Une task force pour évaluer la situation, concevoir les stratégies et coordonner les actions de riposte

Créée par décret présidentiel le 30 mars 2020, la Coordination nationale de gestion de la riposte à la COVID-19 (CNGRC19) constitue la cheville ouvrière de la gestion de la pandémie au Togo. A partir de l’analyse des données relatives à la pandémie, cet organe est principalement chargé de planifier, de programmer, de suivre et d’évaluer les interventions de la riposte contre la pandémie. Il est constitué de 19 représentants d’une vingtaine d’institutions publiques et privées.

Dans les préfectures la gestion de la pandémie a été déléguée aux Comités locaux de gestion de la riposte à la COVID-19 (CLGRC). Composé des représentants du pouvoir central, des élus locaux, des chefs traditionnels et coutumiers, des leaders religieux, des représentants des jeunes et des femmes etc., cet organe local rend compte directement de ses activités au CNGRC19. En plus de ces organes, un autre comité économique évalue l’impact de la pandémie et fait des propositions pour préparer la relance économique. Quant au collège scientifique, il a pour mission d’éclairer le gouvernement sur les meilleures dispositions à mettre en œuvre et les protocoles à utiliser pour soigner les cas positifs à la COVID-19.

Dans les préfectures la gestion de la pandémie a été déléguée aux Comités locaux de gestion de la riposte à la COVID-19

En début du mois de mars, bien avant la détection du premier cas de COVID-19, un comité de crise, présidé par le président de la République et composé de plusieurs ministres ainsi que des spécialistes, a été installé. La mise en place de ce comité auquel rend compte le CNGRC19 s’inscrivait dans une démarche d’anticipation des autorités togolaises face à la progression du virus dans le monde.

Un portail d’information officiel pour mieux communiquer sur la COVID -19

S’il est vrai qu’au début de la crise, la communication officielle sur la pandémie a souffert d’un certain nombre de dysfonctionnements, elle s’est structurée avec la mise en ligne d’un portail d’information officiel qui diffuse les informations fiables sur le coronavirus depuis la mi-mars. Cette démarche a été salutaire dans un contexte de crise marqué par la désinformation et des inquiétudes suscitées par la pandémie.

Ce site renseigne sur divers aspects liés à la pandémie notamment les symptômes du coronavirus, la situation dans le pays, les centres affectés aux soins, les consignes sanitaires, les mesures prises par le gouvernement, ainsi que des ressources médias, documents et liens utiles. La mise en place de cette plateforme a permis de réduire l’impact des fausses informations qui circulent notamment sur les réseaux sociaux en informant les citoyens togolais en temps réel sur la dynamique de la riposte contre la pandémie.

Une mise à niveau du plateau technique pour faire face à la crise sanitaire

Caractérisé par une faiblesse des ressources humaines et financières ainsi qu’une  insuffisance des moyens logistiques et techniques, le système de santé togolais n’était pas préparé à faire face à une pandémie. L’avènement de la COVID-19 a contraint les autorités togolaises à réhabiliter les centres de santé et à les doter d’infrastructures aux normes pour faire face à la pandémie. Dans ce cadre, le Centre hospitalier régional (CHR) de Lomé Commune a été réhabilité et dédié exclusivement à la prise en charge des malades de la COVID-19 avec une capacité d’accueil de plus de 300 personnes.

Des tonnes d’équipements (scanners, respirateurs, masques, matériel de tests et de protection) ont été commandées et réceptionnées par les autorités. Des laboratoires mobiles ont été  mis en place dans toutes les régions pour la réalisation des tests. Les autorités togolaises ont également procédé à l’installation d’une antenne de l’Institut national d’hygiène dans le nord du pays.

Le Centre hospitalier régional (CHR) de Lomé Commune a été réhabilité et dédié exclusivement à la prise en charge des malades de la COVID-19 avec une capacité d’accueil de plus de 300 personnes

Une cinquantaine d’établissements hôteliers a été réquisitionnée par le gouvernement pour la mise en quarantaine des cas suspects à travers tout le pays. Le gouvernement a également fait appel à une équipe de médecins et d’infirmiers cubains spécialisée dans la gestion des maladies infectieuses pour appuyer le travail des agents de santé togolais.

L’état d’urgence sanitaire, une base légale pour prendre des décisions exceptionnelles

A l’instar des autres pays de la sous-région, les autorités togolaises ont recouru à l’état d’urgence sanitaire pour mieux gérer la crise. L’état d’urgence sanitaire a été décrété dans tout le pays d’avril à juin 2020 suite au constat d’une progression inquiétante des contaminations du coronavirus. Il faut noter que cette disposition constitutionnelle n’a jamais été utilisée auparavant dans le pays.

L’état d’urgence a donc servi de base légale pour toutes les décisions prises par le gouvernement sur la période couverte. Pour rappel, le 30 mars 2020, l’Assemblée nationale togolaise a voté la loi N° 2020-005 portant habilitation du gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant de la loi. Cette loi permet au gouvernement d’adopter des mesures exceptionnelles de riposte sanitaire sans forcément passer par le Parlement. Cette démarche traduit la volonté du gouvernement togolais d’inscrire ses actions dans la légalité, mais également de se donner tous les moyens pour faire face au phénomène.

Au menu des mesures exceptionnelles, on note l’instauration du couvre-feu à compter du 2 avril 2020, de 19 heures à 06 heures dans le Grand Lomé. Le couvre-feu sera étendu à la préfecture de Tchaoudjo suite à l’augmentation des cas dans cette zone à compter du 8 avril, de 20 heures à 00 heures.

Pour faire respecter ce couvre-feu et les mesures préventives prises par le gouvernement, et protéger les personnes et les biens, une Force spéciale anti pandémie (FOSAP), constituée de 5000 éléments issus de divers corps des forces de défense et de sécurité, a été mise en place. Bien que la FOSAP ait réellement contribué à l’éducation, à la sensibilisation des citoyens au maintien des gestes barrières et à la sécurisation des biens et personnes, plusieurs incidents malheureux et graves ont été enregistrés dans la mise en œuvre du respect de l’état d’urgence. Des dispositions ont été prises par les autorités compétentes pour corriger les bavures policières constatées.

D’autres mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence concernent :

  • l’interdiction des rassemblements de plus de 15 personnes;
  • la suspension de toutes les liaisons aériennes et la fermeture des frontières terrestres;
  • le bouclage des villes dont Lomé, Tsévié, Kpalimé et Sokodé;
  • le verrouillage des lieux de culte, des établissements scolaires et universitaires, le réaménagement des horaires de travail dans l’administration etc.

Toutes ces mesures ont été allégées progressivement depuis le 8 juin avec la levée du couvre-feu, même si l’état d’urgence, initialement prévu pour une durée de trois mois, a été prolongé de 45 jours par les autorités togolaises jusqu’au 16 août.

Si les mesures restrictives prises par le gouvernement ont pour but principal de réduire la propagation de la maladie, il n’en reste pas moins qu’elles ont eu des répercussions importantes sur les conditions de vie des populations, en particulier les ménages déjà confrontés à l’insécurité alimentaire en temps  normal. Pour accompagner ces derniers, sérieusement éprouvés par ces restrictions, le gouvernement a mis en place des mesures sociales et économiques.

 


Crédit photo : Togo first

Gnamke Esso Wedeou

 

Gnamke Esso-Wèdeou est diplômé en Sociologie. Il s’intéresse au développement politique et économique des pays de l’Afrique de l’Ouest. Il a participé à plusieurs projets de recherche sur ces pays. Expert en collecte de données, il a contribué à plusieurs études sociopolitiques et économiques et aux missions d’observation et d’évaluation de l’Union Africaine. Il collabore avec WATHI sur le projet Togo Politique.

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