Les Togolais ont davantage foi en leur pouvoir de faire avancer la lutte contre la corruption, Afrobaromètre

Les Togolais ont davantage foi en leur pouvoir de faire avancer la lutte contre la corruption, Afrobaromètre

Auteur : Armelle Grondin

Organisations affiliées : Center for Research and Opinion Polls, Afrobaromètre

Type de publication : Note d’information

Date de publication: 25 octobre 2018

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LES TOGOLAIS SONT INSATISFAITS DES INITIATIVES DU GOUVERNEMENT CONTRE LA CORRUPTION

D’après le dernier sondage d’Afrobaromètre, deux tiers (68%) des Togolais pensent que la politique de lutte contre la corruption du gouvernement est inefficace, dont 41% pensent que le gouvernement répond « très mal » au problème de la corruption au sein de l’administration publique.

Deux tiers des Togolais pensent que la politique de lutte contre la corruption du gouvernement est inefficace 

Cette mauvaise opinion de la performance du gouvernement se retrouve plus fortement chez les hommes, qui répondent « plutôt mal » ou « très mal » à 72%, que chez les femmes (64%). Elle est également beaucoup plus présente parmi la population urbaine (80%) que rurale (60%). Le niveau d’insatisfaction augmente avec le niveau d’éducation, de 58% des personnes sans enseignement formel jusqu’à 86% chez ceux ayant des qualifications postsecondaires.

Le niveau d’insatisfaction de la population (68%) est à la hausse en 2017 après avoir légèrement baissé entre 2012 (66%) et 2014 (61%). Pour cause, les Togolais sont 57% à penser que la corruption a augmenté au cours des 12 mois précédant l’enquête, alors qu’en début d’année le gouvernement avait renforcé ses mesures anti-corruption à travers la création de la Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLCIA).

CORRUPTION CROISSANTE AU SEIN DES INSTITUTIONS PUBLIQUES

Les Togolais perçoivent cette hausse de la corruption au niveau institutionnel. En effet, on observe une croissance, par rapport à 2014, de la part de personnes disant que « tous » ou « la plupart » des membres de groupes gouvernementaux, judiciaires, et religieux sont corrompus.

La part des Togolais disant que « tous » ou « la plupart » d’entre eux sont corrompus est passée de 58% en 2014 à 34% en 2017. Les membres du gouvernement, les policiers, et les juges et magistrats sont perçus comme les plus corrompus par les Togolais, tandis que les leaders religieux sont perçus comme les moins corrompus

Concernant les membres du gouvernement, le taux de Togolais pensant que « tous » ou « la plupart » d’entre eux sont impliqués dans des actes de corruption est passé de 39% en 2014 à 54% en 2017. Pour les policiers, ce taux a augmenté de 11 points de pourcentage, et pour les juges et magistrats, il a augmenté de 6 points de pourcentage. Seul le groupe des hommes ou femmes d’affaires a connu une amélioration dans l’opinion publique togolaise.

La part des Togolais disant que « tous » ou « la plupart » d’entre eux sont corrompus est passée de 58% en 2014 à 34% en 2017. Les membres du gouvernement, les policiers, et les juges et magistrats sont perçus comme les plus corrompus par les Togolais, tandis que les leaders religieux sont perçus comme les moins corrompus. Ces derniers constituent le seul groupe pour qui plus de 10% des Togolais pensent qu’« aucun » d’entre eux n’est impliqué dans des actes de corruption.

DES PRATIQUES CORROMPUES DANS LA VIE QUOTIDIENNE

Si les Togolais perçoivent une forte corruption au sein de leurs institutions publiques, ils sont également confrontés à des pratiques corrompues de façon régulière. Au sein de la population, peu de Togolais disent avoir dû recourir aux pots-de-vin pour obtenir des documents officiels ou services. En effet, la proportion de la population ne dépasse pas les 10%. Cependant, ce faible taux s’explique par une majorité des Togolais disant n’ayant jamais eu recours aux services publics pendant l’année précédente.

 Environ un sur trois admet avoir donné des pots-de-vin au moins une fois en cas d’obtention de services d’eau, d’assainissement, ou d’électricité du gouvernement et en cas de contrôles par la police 

Ainsi, en prenant seulement en compte ceux qui ont utilisé ces services, la proportion de ceux ayant dû recourir aux pots-de-vin est beaucoup plus élevée. Les deux situations où le plus grand nombre de Togolais – environ un sur trois – admettent avoir donné des pots-de-vin au moins une fois sont en cas d’obtention de services d’eau, d’assainissement, ou d’électricité du gouvernement (33%) et en cas de contrôles par la police (31%). Environ un sur neuf admet l’avoir fait pour obtenir des services dans les écoles publiques (14%) et des soins médicaux (12%).

DES OBSTACLES A LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

Malgré la conscience des Togolais de l’ampleur du problème de la corruption, la lutte contre celle-ci semble rester difficile. Un premier obstacle au signalement d’actes de corruption est la crainte de représailles : trois quarts (76%) des Togolais affirment que les citoyens risquent des représailles ou autres conséquences négatives. En comparaison à 21 autres pays du réseau Afrobaromètre, ce taux est supérieur à la moyenne (66%) et aux autres pays francophones d’Afrique de l’Ouest comme le Sénégal (66%) et la Côte d’Ivoire (68%). Dans la sous-région, c’est seul au Gabon (88%) qu’il y a un taux plus élevé qu’au Togo des gens qui craignent des représailles s’ils signalement des actes de corruption.

Malgré la conscience des Togolais de l’ampleur du problème de la corruption, la lutte contre celle-ci semble rester difficile. Un premier obstacle au signalement d’actes de corruption est la crainte de représailles

Même s’ils amassent le courage de signaler un acte de corruption, beaucoup doutent que cela fasse réagir quelqu’un au niveau institutionnel, ce qui constitue un second obstacle majeur. En effet, les Togolais sont 62% à penser qu’il n’est pas très probable, voire pas du tout probable, qu’un employé d’une mairie ou préfecture réagit suite à un signalement d’acte de corruption. Ce sont autant les ruraux (62%) que les urbains (62%), les femmes (64%) que les hommes (60%) qui soutiennent cette opinion. Ceux n’ayant pas d’enseignement formel (67%) sont plus enclins de douter une réaction officielle que ceux d’autres niveaux d’éducation (54% à 57%).

LE ROLE MAJEUR DES CITOYENS DANS L’ENDIGUEMENT DE LA CORRUPTION

Malgré ces obstacles, beaucoup de Togolais pensent néanmoins que les citoyens ordinaires peuvent faire avancer la lutte contre la corruption. Ainsi, 60% des Togolais sont d’accord, voire tout à fait d’accord, avec cette affirmation. Au contraire, seulement 29% de personnes sont en désaccord, soit 13 points de pourcentage de moins qu’en 2014. Les hommes (63%) sont davantage à être d’accord que les femmes (56%) et les urbains (63%) que les ruraux (58%). La part de personnes à être d’accord augmente également avec le niveau d’éducation.

Si les Togolais sont nombreux à croire en leur pouvoir de faire avancer la lutte contre la corruption, de nombreux obstacles persistent au rang desquels la peur de représailles et le doute de réponses institutionnelles lors de signalements. Face à ces difficultés qui pourraient décourager les citoyens d’agir, il faut multiplier les avenues pour faciliter la dénonciation des actes de corruption. Une manière d’encourager la transparence pourrait passer par la garantie de l’anonymat de dénonciateurs ou lanceurs d’alerte, le soutien du gouvernement aux organisations non gouvernementales opérant dans le secteur de la lutte contre la corruption, la promotion de l’accès à l’information par les citoyens, et la promotion de la liberté de la presse.