Togo : les oubliées de la République rapport sur la situation des droits des personnes agées, Anavie

Togo : les oubliées de la République rapport sur la situation des droits des personnes agées, Anavie

Auteur : Anavie

Organisations affiliées : Centre de documentation et de formation sur les droits de l’homme (CDFDH), Watch !

Type de publication : Rapport

Date de publication : Mai 2018

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*Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.

 

Introduction

Les droits de l’homme sont les droits inaliénables de tous les êtres humains, quels que soient leur nationalité, lieu de résidence, sexe, origine ethnique ou nationale, couleur, religion, langue ou toute autre condition. Ils ne sont pas des privilèges attribués à certaines catégories seulement de personnes. Ils sont détenus par toutes les personnes de manière égale, universelle et sans limite dans le temps.

La personne âgée en Afrique et en particulier au Togo n’est donc pas exclue des bénéficiaires des droits humains fondamentaux. Cependant, en raison de sa fragilité et de sa vulnérabilité conséquente, elle devrait a fortiori bénéficier au même titre que dans les sociétés occidentales d’aménagements nécessaires destinés à lui assurer une jouissance parfaite de ses droits.

Le nombre de personnes âgées au Togo est estimé à 5,5% de la population nationale d’après les données du quatrième Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) de novembre 2010, soit une estimation de 418 000 par projection en 2017 sur une population nationale de 7,61 Millions selon les données fournies par l’Institut National de la Statistique des Etudes Economiques et Démographiques (INSEED). Alors que les Nations Unies recommandent de prendre déjà des mesures spécifiques lorsque le taux de la population des personnes âgées atteint 5%, au Togo malgré un taux estimé à 5,5% les réflexions économiques et sociales sur le thème du vieillissement démographique ne semblent pas encore être les préoccupations majeures du Gouvernement.

« Au Togo malgré un taux estimé à 5,5% les réflexions économiques et sociales sur le thème du vieillissement démographique ne semblent pas encore être les préoccupations majeures du Gouvernement. »

Le rapport vise à faire l’état des lieux sur la situation des personnes âgées au Togo et met en lumière les grandes difficultés auxquelles elles sont confrontées dans la jouissance de leurs droits fondamentaux. Il analyse le cadre légal et institutionnel, la prise en charge sanitaire, la protection sociale ainsi que l’attitude des pouvoirs publics à l’égard de cette couche de la population togolaise.

Un cadre légal imparfait

L’inexistence du cadre légal se traduit par l’absence de textes législatifs et règlementaires spécifiquement dédiés à la situation des personnes âgées. L’absence de politiques opérationnelles et le problème d’accessibilité à la justice des personnes âgées en sont des conséquences.

Une absence de textes spécifiques aux personnes âgées

Malgré l’obligation constitutionnelle qui incombe à l’Etat togolais de créer un cadre légal protecteur des droits de personnes vulnérables, notamment les personnes âgées, l’Etat togolais n’a jusqu’à ce jour pas encore pris de mesures satisfaisantes à la destination de telles personnes. Ainsi, il est à constater un vide juridique concernant la situation des personnes âgées. Aucun texte législatif ni réglementaire spécifique ne peut être recensé à ce jour, organisant la prise en compte des personnes âgées en raison de leur forte vulnérabilité.

En réalité, un avant-projet de loi portant protection et amélioration des conditions de vie de personnes âgées élaboré par le Ministère de l’Action Sociale de Promotion de la femme et de l’Alphabétisation avec le concours financier du Fonds des Nations-Unies pour la Population (UNFPA) depuis 2009 tarde à être adopté. Cet avant-projet est pourtant l’un des meilleurs textes de protection des droits des personnes âgées.

L’Etat togolais n’a jusqu’à ce jour pas encore pris de mesures satisfaisantes à la destination de telles personnes

Au Togo, l’insuffisance du cadre légal accentue la vulnérabilité des personnes âgées et les met en situation difficile. Beaucoup de personnes âgées sont souvent victimes d’abandon, de délaissement, d’abus de confiance de la part des membres de leurs propres familles ou des tiers.

L’absence de textes juridiques spécifiques précédemment soulevée est de nature à causer un grand tort aux personnes âgées. Le Togo peut, à l’instar d’autres pays de la sous-région comme le Burkina Faso, le Sénégal, adopter un cadre légal spécifique protégeant au mieux les personnes âgées tout en mettant aussi l’accent sur la formation, la sensibilisation de la population. Cela va permettre de pallier aussi à l’absence de politiques opérationnelles.

Une carence de politiques opérationnelles

Il n’existe pas d’outils de planification à court, à moyen et long terme, destinés à organiser la prise en compte des personnes âgées. Une politique nationale de protection et de prise en charge des personnes âgées avait été élaborée en 2014 par la Direction des personnes âgées avec l’appui de ses partenaires, mais, faute d’avoir été adoptée et accompagnée de moyens conséquents pouvant permettre sa mise en œuvre, cette politique est aujourd’hui oubliée. Aujourd’hui il n’y a pas de données nationales actualisées disponibles sur les personnes âgées au Togo.

Il n’existe pas d’outils de planification à court, à moyen et long terme, destinés à organiser la prise en compte des personnes âgées.

Outre le fait qu’il n’existe aucun texte spécifiquement dédié à la protection de la personne âgée, cette frange de la population n’est pas assez promue. Les personnes âgées ne semblent pas être prises en compte dans l’élaboration des politiques socio-professionnelles pour renforcer leur autonomie et réduire leur forte dépendance vis-à-vis de leurs proches. Par exemple, l’Etat peut créer un cadre d’échange et de partage d’expériences intergénérationnelles où les jeunes apprennent au pied des ainées et les ainés se font aussi former par les jeunes dans certains domaines par exemple les Technologies de l’Information et de Communication.

Un problème d’accès à la justice

Pouvoir se plaindre soit au commissariat ou à la justice c’est d’abord connaitre ses droits et estimer que l’on a subi un préjudice. Celui qui ne connait pas son droit ne saurait s’estimer lésé. Or au Togo la majeure partie des personnes âgées ignorent totalement leurs droits fondamentaux notamment le droit de s’organiser ou d’adhérer à des associations de personnes âgées, ce qui aggrave leur vulnérabilité. Selon nos investigations, la plupart des personnes âgées se préoccupent plus des questions de leur alimentation et de leur santé que de leurs droits tout en ignorant que le coût des aliments et des soins dépend des décisions et engagements politiques.

Même si le désir des personnes âgées n’est pas d’être souvent en situation de conflit avec leur entourage, il arrive fréquemment que des litiges opposent des personnes âgées aux membres de leur communauté, surtout dans les milieux ruraux (problème foncier, héritage et culturel). Il est constant que pour certaines personnes âgées, la justice soit difficile d’accès, et ce, en raison de trois facteurs.

  • Facteur géographique : les distances à parcourir pour atteindre les tribunaux sont parfois grandes ;
  • Facteur économique : ces personnes ne sont pas toujours capables de payer les divers frais liés à la procédure.
  • Facteur sociologique : le regard négatif de l’entourage et de la famille de la personne âgée qui éventuellement pourrait être tenté de porter plainte.

Cette situation fait que les personnes âgées sont souvent victimes d’abus de toutes sortes et leur sort reste à améliorer par un cadre institutionnel approprié.

Un cadre institutionnel faible

Au Togo la faiblesse du cadre institutionnel de protection du droit des personnes âgées s’analyse essentiellement sur deux plans : un manque de ressources et une structure administrative à améliorer.

Un manque de ressources

L’on peut se réjouir de ce qu’il existe au Togo une direction des personnes âgées placée dans l’organigramme du Ministère de l’Action Sociale, de la Promotion de la Femme et de l’Alphabétisation. Mais on se rendra à l’évidence que la situation de la direction des personnes âgées dans l’organigramme est l’une des principales causes du faible outillage de ladite direction.

Une structuration administrative à améliorer

La faiblesse institutionnelle se remarque particulièrement au niveau des régions, car selon nos informations, s’il existe bien une direction nationale des personnes âgées dans la capitale Lomé, cette dernière n’est pas déconcentrée et il n’existe pas de divisions régionales ou de répondants régionaux des personnes âgées à l’intérieur du pays. Les démembrements du Ministère de l’Action Sociale à l’intérieur du pays : au niveau régional et préfectoral ne semblent pas s’intéresser à la situation des personnes âgées et autres groupes vulnérables dans leurs territoires de compétence.

Une négligence de la situation médicale de la personne âgée

Des insuffisances sont à observer dans le cadre de l’administration des soins aux personnes âgées au Togo. On observe une inadéquation des politiques de santé, d’où la nécessité d’une réorientation.

Une inadéquation des politiques de santé

Au Togo, la définition de personne vulnérable inclut la personne âgée. Cette acception est confortée par l’article 33 de la Constitution qui recommande une attention particulière aux personnes handicapées et personnes âgées.Seulement, dans la pratique, tout porte à croire que les personnes âgées sont négligées. En effet, les pouvoirs publics semblent faire du cas des personnes handicapées et des enfants une priorité au détriment des personnes âgées, alors que les deux catégories devraient bénéficier de la même attention. Il existe des politiques au Togo allant dans le sens de la protection médicale des personnes handicapées, des enfants, des femmes, mais les personnes âgées ne disposent d’aucune politique de santé particulière et opérationnelle abritant des actions en leur faveur.

Les pouvoirs publics semblent faire du cas des personnes handicapées et des enfants une priorité au détriment des personnes âgées.

Une existence théorique et non opérationnelle des institutions en matière de la prise en charge spécifique de la santé des personnes âgées. En 2011, le Togo s’est doté d’une nouvelle politique de santé dont la vision était d’assurer aux populations le niveau de santé le plus élevé possible. Cependant, le nouveau Plan National de Développement Sanitaire 2017 – 2022 ne comporte aucune orientation ni action normative qui prenne en compte les besoins spécifiques de santé des personnes âgées. Le système national d’information sanitaire (SNIS) ne dispose pas de données spécifiques sur les personnes âgées, ce qui justifie déjà l’absence d’actions de planification sanitaires en faveur de cette couche.

Contrairement au Burkina et au Sénégal, il est important de préciser qu’au Togo la prise en charge spécifique de la santé des personnes âgées n’existe qu’en théorie par la création au sein du Ministère de la Santé et de la Protection Sociale (MSPS) d’une division de santé communautaire et des personnes âgées (DSCPA). Cette division depuis sa création en 2006 est confrontée à de sérieuses difficultés liées à l’insuffisance de financement et d’instabilité administrative.

Une nécessité de réorientation

Si une division santé communautaire et personnes âgées existe bel et bien au ministère de la Santé, elle est fort malheureusement confrontée à plusieurs problèmes, rendant son opérationnalité incertaine.

  • Problème de ressources financières : la division ne semble pas être dotée de moyens conséquents à la mission qui lui est dévolue. Ses actions sont ainsi limitées.
  • Problème de ressources humaines qualifiées : Le système médical togolais ne dispose d’aucun médecin gériatre spécialisé.

Dans d’autres pays de la sous-région, des efforts sont consentis afin de veiller à une prise en charge médicale des personnes âgées.

  • Au Sénégal, l’adoption du Plan Sésame a été un grand soulagement pour les personnes âgées. En effet, le Plan Sésame est destiné à garantir aux personnes âgées un accès gratuit aux soins. En outre, des centres de santé pour personnes âgées ont été construits dans les zones rurales et une politique est mise en œuvre afin d’accroître le nombre de médecins gériatres.
  • Le Burkina Faso dispose d’un cadre légal et règlementaire destiné à la protection médicale des personnes âgées. L’Etat y encourage et promeut la recherche médicale universitaire dans le cadre des personnes âgées.