Perspectives économiques en Afrique 2018 – Togo,BAD

Perspectives économiques en Afrique 2018 – Togo,BAD

Auteur: Olivier Manlan

Organisation Affiliée: Banque Africaine de Développement

Type de publication : Note pays

Date de publication : 2018

Lien vers le document original

*Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.

 

Vue d’ensemble

L’économie togolaise a infléchi, en 2017, sa dynamique de croissance avec une progression du PIB réel de 4,4 % contre 5,1 % en 2016. La baisse s’explique principalement par une contraction des dépenses d’investissement public de plus de 40 %, et par la crise socio-politique intervenue au second semestre. Les projections indiquent une reprise progressive de la croissance, le PIB réel devant croître de 4,6 % en 2018 et 5,0 % en 2019. Cette croissance serait impulsée par l’agriculture et les industries extractives et manufacturières, les investissements privés et les Partenariats public-privé (PPP). Cet infléchissement, qui obère la dynamique de croissance de ces dernières années, complique la gestion macroéconomique. Il réduit aussi les gains socio-économiques réalisés en matière de réduction de la pauvreté (avec une baisse à 55,1 % en 2015 contre 58,7 % en 2011) alors que le Togo demeure parmi les pays à faible développement humain. Avec un IDH de 0.487 en 2016, il se place au 166e rang mondial sur 188 pays.

Les projections indiquent une reprise progressive de la croissance, le PIB réel devant croître de 4,6 % en 2018 et 5,0 % en 2019

L’important endettement public a eu pour conséquence d’accroître significativement les dépenses liées au service de la dette. Dans le cadre du programme macroéconomique (2017-2019) conclu avec le FMI et appuyé par les autres partenaires, le Gouvernement a commencé en 2017 à mettre en œuvre un ajustement sévère de ses dépenses, afin de ramener le solde budgétaire de -8,3 % du PIB en 2016 à -1,5 % en 2017 et 0,1 % à l’horizon 2019. Cet ajustement budgétaire vise à rendre la dette soutenable, en réduisant le taux d’endettement de 82 % du PIB en 2016 à 69,5 % en 2019.

Développements récents et perspectives

Après plus de trois années durant lesquelles l’économie togolaise a affiché des taux de croissance supérieurs à 5 %, elle a connu une décélération avec baisse d’activité à partir d’août 2017, pour se situer à 4,4 % à la fin décembre. Les estimations indiquent que le pays a enregistré une légère déflation (-0.5 %). S’agissant de l’offre, le secteur primaire a affiché une croissance de 7,7 % en 2017 contre 8,8 % en 2016, et une contribution à la croissance de 2,3 % contre 2,6 % en 2016. La campagne agricole s’est globalement bien déroulée, la production s’est établie en 2017 à 5,5 millions de tonnes, dont 5,3 de productions vivrières, et 0,2 pour la production de rente. La croissance du secteur primaire est portée par la progression de l’élevage (18,7 %), des cultures de rente (7,8 %) et des cultures vivrières (2,0 %).

La performance des cultures de rente en 2017 s’explique par la production du cacao et du coton dont les valeurs ajoutées ont augmenté respectivement de 11,7 % et 9,1 % par rapport à 2016

La performance des cultures de rente en 2017 s’explique par la production du cacao et du coton dont les valeurs ajoutées ont augmenté respectivement de 11,7 % et 9,1 % par rapport à 2016. Le secteur secondaire a affiché une croissance de sa valeur ajoutée de 6,3 % en 2017 contre 0,8 % en 2016. Cette performance est liée à l’évolution intervenue dans l’industrie manufacturière (10,9 %) suite aux différentes mesures prises pour encourager l’entreprenariat dans les branches électricité, gaz et eau, bâtiment et travaux publics (4,4 %). Le secteur tertiaire a enregistré un taux de croissance de 7,3 % contre 3,2 % en 2016, en lien avec l’évolution du commerce (7,6 %). Dans le domaine des banques et des assurances, la croissance a été de 14,2 % contre 5,4 % en 2016.

Politique budgetaire

Le budget 2017 a eu pour objectifs d’accroître les dépenses sociales et de renforcer les infrastructures à même de faire du Togo une plateforme sous régionale de logistique et d’échanges commerciaux. L’élargissement de l’assiette fiscale et la réduction de la charge fiscale des entreprises étaient parmi les cibles. Cette stratégie budgétaire a été contrariée par la crise politique survenue au début du second semestre.

« Cette stratégie budgétaire a été contrariée par la crise politique »

L’impact négatif de la crise socio-politique sur l’économie nationale, à partir d’août 2017, et la nécessité de réduire le taux d’endettement ont conduit les autorités togolaises à contracter leurs dépenses d’investissement de près de 46 %, tout en préservant celles à destination des secteurs sociaux (plus de 40 % des dépenses publiques). Cet ajustement des dépenses, ciblé sur les infrastructures routières et les investissements agricoles, a contribué à réduire le solde primaire de -5,9 % du PIB en 2016 à 0,3 % en 2017. Il s’établirait à -1,0 % du PIB en 2018 et à 1,6 % en 2019.

Par ailleurs, de 2016 à 2017, l’Office togolais des recettes (OTR) a rencontré des difficultés pour consolider ses performances, du fait de l’environnement politique, de la concurrence des ports des pays voisins, des faiblesses d’efficacité interne et de la morosité de l’activité économique. Le budget 2018 est évalué à 1318,5 milliards XOF, en baisse de 6,0 % par rapport à la loi de finance rectificative 2017. Les prévisions des recettes totales de l’État hors dons s’établiraient à 739,9 milliards XOF. Les recettes fiscales, quant à elles, se chiffreraient à 660,3 milliards XOF, soit une augmentation de 17,3 % par rapport à 2017. La pression fiscale en 2018 s’établirait à 22,6 %.

 Politique monétaire

Conformément à l’article 8 de ses statuts, l’objectif prioritaire de la politique monétaire de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’ouest (BCEAO) est d’assurer la stabilité des prix. Ainsi, la politique monétaire mise en œuvre dans le cadre de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA) à laquelle appartient le Togo, l’oblige au respect d’une norme de 3 % d’inflation au maximum. En 2017, le taux d’inflation a chuté de 0,9 % en 2016 à -0,8 %, largement en-dessous de cette norme. Cela résulte de la baisse des prix des produits alimentaires et des boissons non alcoolisées de 4,3 % et des prix des communications de 1,7 %.

La masse monétaire en 2017 fut marquée par une progression de 5,0 % par rapport à 2016, de 1 232,5 milliards XOF à 1 294,2 milliards. Le crédit intérieur a augmenté de 11,0 % en 2017, tiré par les crédits à l’économie qui affichent une progression de 19 % en 2017 par rapport à 2016. La hausse des crédits à l’économie est essentiellement portée par les secteurs de l’électricité, du gaz et de l’eau, les services fournis à la collectivité, les services sociaux et les services personnels. En comparaison, le secteur des BTP et celui du commerce de gros et détail, des restaurants et des hôtels, ont peu profité de crédits. En pourcentage du PIB nominal, les crédits à l’économie représentent 35,7 % en 2017 contre 31,4 % en 2016.

Politique de la dette

Le décret n°2017-112/PR du 29 septembre 2017, portant attributions, réorganisation et fonctionnement du ministère de l’Economie et des Finances, a créé la Direction de la dette publique et du financement. C’est une fusion des anciennes directions de la dette publique, du financement et du contrôle de l’exécution du plan. Cette réorganisation en front, middle and back offices, vise un meilleur suivi de la dette.

De 46,3 % en 2010, le taux d’endettement s’est ainsi accru jusqu’à 82 % en 2016, au-delà du plafond des 70 % du PIB retenu par l’UEMOA. 

Les investissements effectués dans les infrastructures ces cinq dernières années ont eu un impact notable sur la qualité de vie des Togolais et sur l’activité économique, dans les transports et l’électricité. Toutefois, l’endettement corollaire, non concessionnel dans l’ensemble, a eu pour conséquence d’augmenter la dette publique, alors qu’elle avait baissé lors de l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE en 2010. De 46,3 % en 2010, le taux d’endettement s’est ainsi accru jusqu’à 82 % en 2016, au-delà du plafond des 70 % du PIB retenu par l’UEMOA. Les mesures du programme avec le FMI visent à ramener ce taux à 69,5 % du PIB en 2019.

Gouvernance économique et politique

Depuis août 2017, le secteur privé est affecté négativement par les effets de la crise socio-politique que traverse le pays. Selon une enquête de la Chambre du commerce et de l’industrie du Togo auprès de 912 entreprises, 82,8 % d’entre elles ont récemment déclaré voir leurs résultats chuter depuis le début de la crise.

Le Togo a perdu deux places au classement global Doing Business 2018 pour se positionner au 156e rang mondial sur 190 pays. En ce qui concerne l’indicateur relatif à la création d’entreprises, le Togo se situe à la 121e place. Le capital minimum requis pour l’enregistrement d’une entreprise baisse de 71,2 % du revenu par habitant en 2017 à 31,5 % en 2018, contre une moyenne de 25,6 % dans les pays de l’Afrique sub-saharienne (ASS). Le nombre de jours pour créer légalement une entreprise au Togo est de 6, contre 38 en 2012, pour une moyenne de 24 jours en ASS. Le Togo a reculé d’une place en matière de protection des investisseurs minoritaires en passant de la 145e à la 146e.

« Le Togo souffre de la faiblesse de son administration et doit endiguer la corruption. »

Le Togo souffre de la faiblesse de son administration et doit endiguer la corruption. L’indice de perception de la corruption de Transparency International s’est établi à 32 ces deux dernières années. Cela limite la capacité de l’administration à offrir à ses usagers des services publics adéquats et de qualité. L’État a mis en place, début 2017, une commission en charge de la lutte contre la corruption, dont l’opérationnalisation se poursuit.

Un Programme national de renforcement des capacités et de modernisation de l’État pour le développement durable du Togo (PN-RCME-DD) sur la période 2015-2019 a été initié par le Gouvernement avec l’appui de ses partenaires. Il vise le développement et le renforcement des capacités humaines, institutionnelles, organisationnelles et techniques du pays, pour une meilleure mise en œuvre des stratégies nationales de développement. La gestion des finances publiques, malgré les efforts accomplis, doit être améliorée quant à l’allocation des ressources et la gestion des investissements publics. L’Assemblée nationale n’a pas adopté en 2017 les projets de loi de règlement du budget de l’État, gestion 2015 et 2016, ce qui confirme les faiblesses relevées par le PEFA en matière de gestion des finances publiques et de reddition des comptes.

Analyse thématique : financement des infrastructures

Le Togo, conscient de son retard particulier dans la sous-région, concernant ses infrastructures de transport multimodal, dans l’énergie, l’assainissement et les TIC, a amorcé leur mise à niveau avec une Stratégie de croissance accélérée. Le réseau routier national togolais était estimé à 11 875 km en 2011, dont seuls 52,2 % en bon état. De 2011 à 2016, la longueur totale des routes nationales revêtues (RNR), qui représentait 14,9 % de l’ensemble du réseau routier national, a progressé de 1 738,8 km à 2 130,7. Sur la même période, les routes nationales non revêtues (RNNR) ont régressé de 1 354,3 km à 1 021,9 km, représentant 8,6 % de l’ensemble du réseau routier. Si dans l’ensemble, la région des plateaux est plus dotée quantitativement et qualitativement, le réseau routier de la région maritime était, entre 2011 et 2016, le plus dense du Togo, avec une moyenne de 43,17 km pour 100 km2, le moins dense se situant dans la région centrale avec une moyenne de 12,6 km pour 100 km2.

Les pistes rurales (classées et non classées) ont passé de 6 802,1 km en 2011 à 7 726,4 km en 2016. Les voies urbaines, quant à elles, ont connu une réduction de 44 % sur la période, passant de 1 783 km à 996,19 km. La voie ferrée est aujourd’hui uniquement réservée au transport de minerais entre la zone portuaire et les sites industriels d’exploitation. Le pays est doté de deux aéroports internationaux, à savoir l’aéroport de Niamtougou et celui de Lomé. L’aéroport international Gnassingbé Eyadema de Lomé a été modernisé et agrandi, sa capacité d’accueil ayant été portée de 400 000 passagers par an à 1 500 000.

« Les infrastructures de transport captent 88,5 % du total de ces investissements »

Le sous-secteur maritime a bénéficié, quant à lui, de la construction d’un troisième quai et d’une darse, ce qui contribue à faire du Port autonome de Lomé (PAL) une plateforme de services au niveau sous régional. Le montant total des investissements en infrastructures tels que prévus au budget togolais entre 2012 et 2016 s’est élevé à environ 886 milliards XOF. Les infrastructures de transport captent 88,5 % du total de ces investissements, suivies des investissements dans l’eau et l’assainissement, pour 5,23 %, de l’Internet et des télécommunications pour 4,01 %, et enfin de l’énergie pour 2,15 %.

Les infrastructures de transport captent 88,5 % du total de ces investissements, suivies des investissements dans l’eau et l’assainissement, pour 5,23 %, de l’Internet et des télécommunications pour 4,01 %, et enfin de l’énergie pour 2,15 %.

Concernant les infrastructures routières, leur financement sur cette période a été assuré en grande partie par l’État, à travers un mécanisme de préfinancement des investissements. En effet, l’État s’était porté garant et, grâce à sa signature, les entreprises de BTP ont pu accéder au crédit bancaire pour financer la construction des infrastructures. Plusieurs autres bailleurs et partenaires techniques et financiers sont intervenus pour contribuer à la réduction du manque à financer des infrastructures.

Les projections des besoins de financement de 2019 à 2021 les estiment à 531,4 milliards XOF pour le bâtiment, les travaux publics et les infrastructures, à 77 milliards pour le secteur des mines et de l’énergie, et à 8 milliards pour le secteur des télécommunications et de l’Internet, soit un montant total de 617,3 milliards XOF sur les trois prochaines années.