Les enjeux sécuritaires dans l’espace maritime du Togo, Laboratoire de recherche sur la dynamique des milieux et des sociétés, 2021

Les enjeux sécuritaires dans l’espace maritime du Togo, Laboratoire de recherche sur la dynamique des milieux et des sociétés, 2021

Organisation affiliée : Laboratoire de recherche sur la dynamique des milieux et des sociétés (LARDYMES), Université de Lomé.

Site de publication :  (revuegeo-univdaloa.net)

Type de publication : Etude scientifique

Date de publication : 2021

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*Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.


 

Le secteur maritime occupe une place importante dans le développement des États côtiers. Parmi les 54 pays africains, 38 sont des États côtiers ou insulaires occupant un espace maritime qui couvre des Zones Économiques Exclusives (ZEE) d’une superficie de 13 millions de km2 avec un plateau continental de près de 6,5 millions de km2. Ces espaces supportent les activités maritimes du continent à travers l’exportation des matières premières vers l’occident et l’importation des produits manufacturés de l’occident vers les pays d’Afrique. Ces échanges commerciaux entre l’Afrique et le reste du monde représentent 92 à 97 % du commerce international.

Au Togo, l’espace maritime offre de nombreuses opportunités. Le Port de Lomé participe aux échanges internationaux en Afrique occidentale grâce à sa situation géographique régionale exceptionnelle. Cet avantage maritime est menacé par les actes de piraterie, des activités illicites, de dégradation de l’environnement marin et de surexploitation des ressources qui déstabilisent les eaux sous-juridictions togolaises.

En 2012, le Togo fut, après le Nigéria, le pays le plus touché de l’Afrique de l’Ouest et du centre en enregistrant 15 des 62 attaques, ou tentatives d’attaques, perpétrées dans la région. La surpêche dérégularise la production annuelle de poisson qui, comprise entre 20 000 et 25 000 tonnes, est déjà loin de couvrir les besoins de la population estimés à 70 000 tonnes par an. De plus, le phénomène d’érosion en évolution rapide, avec des vitesses variant de 5 à 12 m/an fragilise cette capacité de production halieutique.

A partir de ces constats, il se pose le problème de la gestion des biens et des personnes dans les eaux maritimes du Togo. Cette étude se propose ainsi d’analyser les enjeux sécuritaires dans les eaux maritimes sous juridiction togolaise.

Les menaces sur la sécurité de l’espace maritime, un désastre

L’absence de délimitation des frontières maritimes togolaises, les menaces sur la sûreté, les actes illicites, la dégradation de l’environnement marin et côtier et l’appauvrissement des ressources marines constituent des facteurs menaçant la souveraineté de l’État en mer.

Des frontières maritimes aux délimitations floues

En Afrique, il existe des conflits inter-états sur la limitation des frontières maritimes. Au Togo, le problème de délimitation des frontières entre le Togo et le Benin d’une part et entre le Togo et le Ghana d’autre part n’a pas encore fait objet de consensus formel. Ainsi, les organisations criminelles profitent de l’effritement de la souveraineté des États sur certaines zones frontalières et dans des zones de crises endémiques pour y déployer leurs activités à cause des ressources marine disponible et l’absence des moyens efficaces pour contrôler leurs espaces maritimes.

Une sûreté maritime menacée

Au Togo, la faiblesse du contrôle de l’État à faire appliquer le droit international de la mer sur toutes les activités dans les eaux sous sa juridiction profite au développement des activités illicites. En dépit des efforts de l’État, la piraterie et le brigandage menacent la stabilité du pays. Le tableau 3 présente les actes de piraterie perpétrés dans les eaux maritimes togolaises et les navires visés.

Au Togo, la faiblesse du contrôle de l’État à faire appliquer le droit international de la mer sur toutes les activités dans les eaux sous sa juridiction profite au développement des activités illicites

Le trafic de drogue représente une autre menace. Son expansion en Afrique de l’ouest, fait du Golfe de Guinée une plate-forme de transit de la drogue vers l’Europe. La pêche INN (pêche illicite, non déclarée et non réglementée), l’immigration clandestine, l’existence de trafics de médicament contrefait, de déchets dangereux, le braconnage de spécimens de la faune et de la flore menacés d’extinction posent de réels problèmes environnementaux et de santé publique. Les menaces dans les eaux territoriales représentent des enjeux importants pour l’État togolais.

L’espace maritime sous juridiction nationale, aux enjeux multiples pour le Togo

L’espace maritime togolais est un espace important grâce aux diverses potentialités qu’il offre. L’exploitation de cet espace maritime contribue de façon évidente au développement de l’économie togolaise d’où la nécessite de relever les nombreux enjeux.

Les enjeux socio-économiques, élément déterminant de sécurité

L’espace maritime togolais offre un potentiel en matière de création de richesses, d’emplois et d’insertion dans le commerce international. La position stratégique du port autonome de Lomé (PAL) par rapport aux autres ports et son efficacité dans la sous-région représentent un atout considérable pour le Togo. En effet, les extensions effectuées par la construction d’une darse et d’un 3ème quai ont contribué à faire du PAL un véritable hub de services au niveau sous régional avec un volume de conteneurs manutentionnés qui est passé de 380 798 en 2014 à 905 700 en 2015 soit une augmentation de 137%.

La pêche artisanale représente une activité essentielle pour la sécurité alimentaire et fait tourner l’économie locale. Les infrastructures hôtelières existantes sur la côte contribuent à la valorisation du tourisme et constituent un lieu d’escale pour les navires de croisière. Ces activités exercées sur le littoral participent à 22,3% du PIB en 2013. Ainsi, les activités illicites qui sont pratiquées dans les eaux maritimes togolaises, constituent une entrave au développement des activités littorales, ce qui pèse sur l’économie nationale et sur l’équilibre socio-économique du pays.

Le Togo, un espace de souveraineté aux enjeux sécuritaires

Dans le respect du droit international, le Togo doit pouvoir s’appuyer sur une organisation adaptée et des ressources dédiées à la sécurité maritime. L’action du Togo en mer doit en outre être fondée sur un cadre juridique qui répond aux normes internationales, ce qui permet aux autorités togolaises de concentrer leur énergie sur la sûreté en mer par une surveillance 24h/24h afin de lutter contre les actes de malveillance malgré une ressource humaine très limités. La ZEE n’étant pas surveillée à ce jour, différents types de trafics illicites peuvent y prospérer en permanence. Plus la souveraineté est assurée sur le territoire plus les questions de la protection environnementale sont évoqués.

Des enjeux sanitaires et environnementaux avisés

La lutte contre la pollution marine et le trafic des produits contrefaits nuisibles à la santé doit faire l’objet d’une grande attention qui se concrétise par le contrôle strict de l’espace maritime.

Sur le plan sanitaire, les agents pathogènes et des micro-organismes issus des rejets d’eaux résiduaires des ménages et autres déchets comme les eaux usées de phosphate déversées dans la mer, constituent des risques importants pour la santé des animaux marins et des hommes. L’homme est contaminé par ces agents pathogènes à travers l’absorption directe de ces micro-organiques présents dans l’eau de mer ou par contact direct avec celle-ci ou le sable de plage pollué et par la consommation des fruits de mer.

De même, les métaux lourds et les produits chimiques issus des pollutions industrielles s’accumulent dans les organismes des poissons carnivores tels que les organismes filtreurs et les poissons carnivores et affectent ainsi dangereusement la santé des populations qui tirent d’importantes protéines de ces ressources animales. De même, des actions urgentes méritent d’être entreprises pour lutter contre le trafic des produits contrefaits, dont le milieu marin constitue l’un des principaux canaux de distributions.

Sur le plan environnemental, le Togo prend en compte les menaces qui pèsent sur l’équilibre marin. Il est essentiel d’améliorer la surveillance en mettant en place un cadre juridique visant à empêcher et à sanctionner la pollution volontaire. L’érosion côtière avec le recul du trait de côte de 6 à 8 mm/an à certains endroits, se traduit par la destruction des infrastructures telles que les maisons, les hôtels, les routes mais aussi le couvert végétal côtier dominé par les cocotiers. Dans ce contexte, le Togo se voit dans l’obligation de protéger sa côte contre toute activité illicite et préjudiciable. Certes, l’éradication complète des dangers multiples qui menacent les côtes togolaises se révèle difficile mais une nécessité de prendre des mesures palliatives est importante.

Pour une meilleure sécurisation des eaux territoriales du Togo

Le vol à main armée, la piraterie maritime, la pêche INN, le trafic illicite de drogue en mer, le brigandage sont régentés, tant par le droit international que par le droit interne de chaque pays et aussi par des mesures opérationnelles. Pour défendre son espace maritime, le Togo s’appuie sur un certain nombre d’outils parmi lesquels le cadre juridique et réglementaire.

Un cadre juridique et réglementaire calqué sur le droit international

Le Togo poursuit la transposition des règles internationales régissant les activités maritimes dans son système légal. Il a ratifié la convention internationale sur la recherche et la sauvegarde en mer, la convention internationale sur la préparation, la lutte et la coopération en mer en matière de pollution par les hydrocarbures et le protocole de 1992, la convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution d’hydrocarbure, la convention internationale du travail maritime adoptée à Manille en 2006 par l’organisation internationale du travail (OIT). Cette dernière convention précise le droit des gens de mer à des conditions de travail décentes. Elle consolide et met à jour la quasi-totalité des normes internationales.

Pour un renforcement de la capacité sécuritaire

Face à la modernisation de l’équipement des pirates et surtout de leur qualification, il est impératif d’actualiser les techniques de gestion des opérations en cas d’attaque. C’est dans ce cadre que des exercices militaires sont organisés au large des côtes conjointement entre la marine, la gendarmerie, la police et la douane avec l’appui des experts étrangers pour renforcer la capacité des acteurs chargés de la sécurité maritime au Togo.

Dans le même contexte, le Togo participe à des exercices internationaux assurés par les forces navales françaises pour un scénario de contrôle de pêche en 2017 et a participé à l’exercice naval dénommé OBANGAME Express (0E19) en 2019, assuré par les forces navales américaines pour un renforcement de capacité.

Dans le même contexte, le Togo participe à des exercices internationaux assurés par les forces navales françaises pour un scénario de contrôle de pêche en 2017 et a participé à l’exercice naval dénommé OBANGAME Express (0E19) en 2019, assuré par les forces navales américaines pour un renforcement de capacité. Sur le plan régional, on note la mise en place d’une stratégie maritime intégrée de la CEDEAO et de la CEEA qui se traduit par des accords bi et multilatéraux, par la coordination entre les centres opérationnels des Marines de la sous-région à travers la création d’un Centre Régional de Coordination pour la Sécurité Maritime de l’Afrique Centrale (CRESMAC) à Pointe-Noire au Congo.

Discussion

Le Togo bénéficie d’un littoral d’une longueur de 50 km qui lui offre un espace maritime de 20 780 km2. La profondeur du plateau continentale et la diversité des fonds marins constitue des atouts naturels de l’espace maritime du Togo. Les atouts naturels ont contribué au développement du transport maritime et la pratique de la pêche artisanale. Le secteur de la pêche, fournit près de 20 000 tonnes de produits halieutiques couvrant environ 35% des besoins de la population nationale. Il contribue ainsi, pour 4% au Produit Intérieur Brut.

Le port de Lomé participe aux échanges internationaux en Afrique occidentale grâce à sa situation géographique régionale exceptionnelle. Les enjeux dans cet espace sont importants et l’analyse de ces enjeux montre, sur le plan économique, que le PAL est un hub important surtout avec la construction du 3ème quai et de la darse de LCT. Ces résultats confirment ceux de l’ONAEM. Selon cet organisme, l’augmentation du transbordement a atteint 137% en 2017.

Ce dynamisme économique du PAL a été possible grâce à la politique sécuritaire mise en place. Le Togo n’a enregistré aucun acte de piraterie de 2015 à aujourd’hui, malgré que cette pratique illicite ayant pour épicentre la région du delta du Niger, soit en essor dans le Golfe de Guinée.

 

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