Examen du bien-être et des politiques de la jeunesse au Togo, Centre de développement de l’OCDE

Examen du bien-être et des politiques de la jeunesse au Togo, Centre de développement de l’OCDE

Auteur : Centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

Type de publication : Rapport

Date de publication : 2017

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*Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.

 

État des lieux du bien-être et des politiques de la jeunesse

Malgré la normalisation progressive de la situation politique et le retour de la croissance économique, le Togo, qui demeure un des pays les plus pauvres au monde, continue à faire face à d’importants défis tant sur le plan économique que social. La croissance peu inclusive ne contribue que modestement à la baisse de la pauvreté et génère même des inégalités au sein de la population. À cet égard, la situation des jeunes préoccupe tout particulièrement, compte tenu de leur poids démographique considérable.

La croissance peu inclusive ne contribue que modestement à la baisse de la pauvreté et génère même des inégalités au sein de la population

En 2015, les jeunes âgés de 15 à 29 ans représentent un peu plus du quart (27.2 %) de la population totale du pays, une proportion qui selon les projections ne devrait décroître que très légèrement d’ici à 2050 où elle est estimée à 26.5 %. Dans ces circonstances, il devient essentiel de dresser un état des lieux de la situation des jeunes en matière d’inclusion sociale et de bien-être, ainsi que de l’action gouvernementale en faveur de la promotion de la jeunesse.

Principaux défis de l’inclusion sociale et du bien-être des jeunes

La mortalité des jeunes, notamment celle des hommes, est relativement élevée au Togo. En 2015, la mortalité des jeunes s’élève à 332 décès pour une population de 100 000 jeunes. Ce taux est largement supérieur à la moyenne mondiale (149), mais reste néanmoins légèrement en dessous de la moyenne pour les pays africains (354). Les jeunes hommes enregistrent un nombre de décès (361) qui dépasse largement celui des jeunes femmes (303).

Les maladies transmissibles, en premier lieu les maladies infectieuses et parasitaires, constituent la première cause de décès chez les jeunes femmes tandis que les jeunes hommes décèdent essentiellement en raison de blessures

Les maladies transmissibles, en premier lieu les maladies infectieuses et parasitaires, constituent la première cause de décès chez les jeunes femmes (33.2 %) tandis que les jeunes hommes décèdent essentiellement en raison de blessures (37.7 %). Les blessures qui entraînent la mort des jeunes hommes sont en général involontaires (26.1 %) et liées en grande partie aux accidents de la route (16.3 %). Les blessures volontaires, notamment la violence interpersonnelle et le suicide, sont néanmoins à l’origine d’un nombre alarmant de décès chez les jeunes hommes (11.5 %). Les jeunes femmes se distinguent en outre par un nombre important de décès consécutifs à des affections maternelles (15.1 %). Les maladies chroniques, les maladies cardiovasculaires par exemple, alimentent par ailleurs de façon significative la mortalité des jeunes.

De nombreuses adolescentes sont touchées par les grossesses précoces

L’ampleur des grossesses précoces reste élevée, et la consommation de substances nocives préoccupante chez les jeunes. De nombreuses adolescentes sont touchées par les grossesses précoces (15.9 % en 2013), en majorité dans les zones rurales (20.2 %) ; cette situation est inquiétante, en particulier au regard des effets dommageables que peut entraîner la précocité de la fécondité sur l’éducation et les perspectives d’emploi des adolescentes. Les adolescentes sont d’autant plus exposées aux grossesses précoces que leur niveau d’éducation est bas et que la pauvreté du ménage est élevée.

Bien qu’en nette hausse depuis une dizaine d’années, les taux de scolarisation dans le secondaire et dans le tertiaire sont très bas, notamment pour les filles

En raison des difficultés d’accès, de rétention et de progression dans le système éducatif, la plupart des jeunes atteignent un faible niveau d’études. Bien qu’en nette hausse depuis une dizaine d’années, les taux de scolarisation dans le secondaire et dans le tertiaire sont très bas, notamment pour les filles. Celles-ci présentent en effet des taux de scolarisation nettement inférieurs à ceux des garçons, tant dans le secondaire (42 % contre 55.2 %, en 2015) que dans le tertiaire (8.2 % contre 15.9 %). L’accès à l’éducation est particulièrement restreint aussi en milieu rural et parmi les ménages les plus pauvres. D’autre part, l’abandon scolaire dès le primaire est très élevé (45.9 % en 2014) et en nette progression chez les filles qui accusent un retard important dans l’ensemble du système éducatif.

L’engagement civique, le capital social et le bien-être subjectif des jeunes soulèvent des inquiétudes majeures. Le nombre de jeunes engagés civiquement a fortement augmenté ces dernières années, mais reste relativement modeste (51.3 % en 2015). Selon des données alternatives plus précises, il apparaît que seuls 37.9 % des jeunes en 2014 sont affiliés à une association ou à un groupe communautaire bénévole, où ils ne participent en tant que membre actif que dans un tiers des cas. De nombreux jeunes ne bénéficient pas du soutien de leurs proches (45 % en 2015), bien que leur nombre soit en diminution. Face à l’ampleur des défis qu’ils doivent affronter, l’isolement dans lequel se trouvent ces jeunes constitue une réelle préoccupation.

Les institutions publiques ont mauvaise presse auprès des jeunes et suscitent chez eux une grande défiance

Les institutions publiques ont mauvaise presse auprès des jeunes et suscitent chez eux une grande défiance. La transparence des élections, le système judiciaire et le Gouvernement sont les plus mal aimés des jeunes et peinent à rétablir leur réputation auprès d’eux. En 2015, les jeunes ne sont, respectivement, que 36.9 %, 46.3 % et 47.8 % à faire confiance à ces institutions. En somme, les jeunes togolais ne jouissent pas d’un capital social élevé. De nouveau, les femmes, les résidents ruraux, les individus moins éduqués ou dont les conditions de vie sont plus difficiles sont davantage pénalisés tant au niveau du capital social que de l’engagement civique.

Politiques et cadre institutionnel pour la promotion de la jeunesse

L’insertion professionnelle constitue l’axe principal et le plus fructueux de la politique de la jeunesse au Togo. Le Gouvernement n’a pas ménagé ses efforts ces dernières années pour promouvoir l’emploi des jeunes, comme l’attestent la création d’un ministère dédié à l’emploi des jeunes (MDBAJEJ), l’adoption de la PSNEJ, la dynamisation de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), l’organisation d’une semaine annuelle de l’emploi et la mise en place de nombreux programmes visant à promouvoir l’employabilité et faciliter l’insertion professionnelle des jeunes.

Ces programmes, parmi lesquels s’illustre entre autres le Programme d’appui à l’insertion et au développement de l’embauche (AIDE), ont permis à des milliers de jeunes de s’insérer sur le marché du travail. Au cours de l’année 2016 par exemple, 8 143 emplois durables et 11 478 emplois temporaires ont été créés au profit des jeunes grâce aux Travaux à haute intensité en main-d’œuvre (THIMO).

Au cours de l’année 2016 par exemple, 8 143 emplois durables et 11 478 emplois temporaires ont été créés au profit des jeunes

Mais, en dépit des efforts réalisés, le problème de l’emploi des jeunes demeure encore entier et les programmes existants sont affectés par de multiples insuffisances qui handicapent leur exécution. Les moyens à disposition, aussi bien humains que financiers, ne sont pas à la hauteur des besoins et les mécanismes de suivi et d’évaluation sont généralement absents, surtout lorsque les programmes sont mis en œuvre sans le soutien des partenaires techniques et financiers.

Jeunes vulnérables : le cas des enfants de la rue et des consommateurs de drogues

Le départ des enfants pour la rue résulte à la fois de motifs profonds et de facteurs déclencheurs associés à l’environnement familial. Des études de cas réalisées, il ressort que les causes profondes qui conduisent in fine des enfants à trouver refuge dans la rue concernent avant tout le contexte familial et sont surtout liées à la perte d’un ou des deux parents, la séparation ou le divorce des parents, l’extrême pauvreté du foyer familial et l’abandon de l’enfant à la naissance. Mais ces causes n’expliquent pas à elles seules le départ des enfants pour la rue. Viennent s’ajouter en effet des éléments déclencheurs, en particulier les mauvais traitements subis et les conditions de vie difficiles, qui sont responsables de la rupture des liens familiaux.

Une fois arrivés dans la rue, les enfants sont confrontés à de nombreuses difficultés d’ordre existentiel. En général, les enfants débarquent dans la rue démunis de tout bien matériel et sont contraints de travailler pour survivre. Ils s’engagent alors dans des activités instables, et souvent dangereuses, de toutes sortes où ils s’acquittent des tâches les plus élémentaires dans des conditions précaires. Pour assurer leur survie, parfois ils n’ont d’autre choix que de faire la manche ou de commettre des actes illicites comme le vol. Dans la rue, la faim, le manque de logement et l’insécurité sont les maux les plus saillants qui minent le quotidien des enfants.

Viennent s’ajouter en effet des éléments déclencheurs, en particulier les mauvais traitements subis et les conditions de vie difficiles, qui sont responsables de la rupture des liens familiaux

En outre, soustraits à l’autorité parentale, les enfants de la rue sont susceptibles de s’adonner, quelquefois sous la contrainte, à certaines pratiques nuisibles à leur santé comme la consommation de tabac, d’alcool ou de drogues. La grande majorité des enfants de la rue ne sont plus en contact avec leur famille et les tentatives de réconciliation se soldent fréquemment par un échec. Par ailleurs, les enfants entretiennent en général des relations conflictuelles avec les autres usagers de la rue, notamment les forces de l’ordre, les pairs plus âgés et les adultes qui peuvent exercer sur eux un rapport de domination.

Les enfants de la rue souffrent d’une perception très négative de la part de la société dans son ensemble, ce qui tend à renforcer chez eux l’adoption de comportements socialement déviants. Le contexte familial, l’influence des pairs et la situation professionnelle sont déterminants dans l’initiation des jeunes à la drogue. Des situations telles que la perte ou la séparation des parents, l’appauvrissement du foyer familial et le chômage sont à l’origine d’une série de difficultés qui tôt ou tard amènent certains jeunes à adopter des comportements à risque comme l’usage de stupéfiants.

La qualité de la relation avec les parents ainsi que les antécédents de consommation familiaux influencent également l’initiation des jeunes à la drogue. Quant aux pairs, notamment lorsqu’ils sont plus âgés, leur pouvoir d’influence peut être considérable et agir de manière déterminante à la fois sur l’initiation et la poursuite de la consommation de drogues chez les jeunes.

Améliorer l’efficacité de l’action gouvernementale en faveur des jeunes

Poursuivre et intensifier les activités culturelles, socio-éducatives et civiques sur l’ensemble du territoire. L’analyse des programmes mis en place par le Gouvernement à l’endroit des jeunes révèle un déséquilibre significatif au profit de l’emploi et au détriment d’autres secteurs d’intervention. Par ailleurs, le Togo doit se munir d’un plan stratégique national en matière de santé des jeunes, qui actuellement fait défaut, afin de mieux cibler les jeunes et répondre à leurs besoins dans ce domaine.

Mettre en place un cadre institutionnel de coordination des interventions. Une coordination politique renforcée est indispensable pour limiter la dispersion des efforts, tirer parti des synergies potentielles, optimiser les ressources disponibles limitées et, in fine, assurer le succès de la politique de la jeunesse.

Doter les programmes de mécanismes de suivi et d’évaluation d’impact. Les programmes doivent inclure dès leur conception des mécanismes de suivi et d’évaluation afin de s’assurer de leur bonne exécution et d’apprécier leur impact réel. L’absence de tels mécanismes et d’évaluation rigoureuse, constatée dans la plupart des programmes, pose un problème sérieux, car elle empêche de rendre compte de l’efficacité des actions menées.

Accroître les ressources financières et humaines du ministère du Développement à la base, de l’Artisanat, de la Jeunesse et de l’Emploi des jeunes (MDBAJEJ) et renforcer les capacités de son personnel. Le manque de moyens financiers et humains est la principale faiblesse du MDBAJEJ. Les dotations budgétaires du ministère doivent être par conséquent revues à la hausse. Mais, compte tenu des ressources limitées du Gouvernement, il est essentiel que le ministère adopte sa propre stratégie de mobilisation des ressources pour financer les activités du secteur jeunesse. Cette stratégie doit viser en particulier les sources de financement innovantes et alternatives, comme les fondations, et déboucher sur des partenariats solides et pérennes.

Créer un système d’information centralisé sur le secteur jeunesse pour guider les politiques publiques. Pour avoir une bonne compréhension des besoins de la jeunesse et mettre en place les politiques appropriées, il est primordial de disposer d’évidences empiriques exhaustives sur une base régulière. Au Togo, le système d’information sur le marché du travail est lacunaire et, concernant les autres domaines d’importance pour l’inclusion sociale et le bien-être des jeunes tels que la santé, l’éducation, la participation civique et la citoyenneté, les enquêtes d’envergure et les données statistiques représentatives sont rares ou inexistantes.