Difficultés économiques et chômage incitent les jeunes et les éduqués à quitter le Togo, Afrobaromètre

Difficultés économiques et chômage incitent les jeunes et les éduqués à quitter le Togo, Afrobaromètre

Auteur : Afi Etonam Adetou et Ekoutiamé A. Ahlin

Organisations affiliées : Center for Research and Opinion Polls, Ecole africaine d’économie, Institut de recherche empirique en économie politique, Afrobaromètre

Type de publication : Rapport

Date de publication : 9 novembre 2018

Lien vers le document original

*Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.

 

Émigration envisagée et planification

De nos jours, la question de l’émigration des jeunes Africains vers l’Europe à la quête d’une vie meilleure fait partie des questions brûlantes auxquelles des acteurs politiques tentent de trouver une solution. Ces jeunes mettent en péril leur vie en tentant de traverser la Méditerranée ou en traversant des zones très dangereuses avec l’aide de passeurs. Au Togo, plus de la moitié (54%) de la population adulte a un peu, quelque peu, ou beaucoup pensé émigrer vers un autre pays pour y vivre. Plus précisément, 30% l’ont « beaucoup », 11% « quelque peu », et 13% « un peu » pensé.

« Au Togo, 30% de la population adulte ont beaucoup pensé émigrer vers un autre pays »

Une petite minorité (8%) des Togolais qui ont pensé émigrer sont actuellement en train de suivre des démarches, comme pour l’obtention du visa, tandis que 34% n’ont pas encore commencé à se préparer dans ce sens, mais planifient d’émigrer dans un an ou deux. La majorité des Togolais qui ont pensé émigrer (56%) n’ont pas de projet d’émigration dans l’immédiat.

Les pays de la sous-région sont les destinations les plus probables des potentiels émigrants togolais

Bien que l’émigration des jeunes Africains vers l’Europe soit beaucoup médiatisée, les migrants africains se tournent relativement peu vers l’Europe. Les Africains émigrent beaucoup plus vers les pays de l’Afrique que hors du continent. Ainsi, d’après une étude de la Banque Mondiale, 70% des émigrés ouest-africains restent en Afrique, avec 61% qui restent dans la sous-région ouest-africaine. On note seulement 15% qui se dirigent vers l’Europe et 6% vers l’Amérique du Nord. Au Togo, les données Afrobaromètre montrent que les pays de l’Afrique de l’Ouest constituent la destination la plus probable de potentiels émigrants togolais (43%), suivis des pays de l’Amérique du Nord (Etats-Unis, Canada) (19%) et de l’Europe (14%).

Les principales raisons qui amènent les togolais à penser quitter le Togo

Les crises politiques des années 1990 et 2005 ont vu d’importantes émigrations des Togolais vers d’autres pays de la sous-région et hors du continent. Bien que les Togolais ne soient pas entièrement satisfaits de leur démocratie et que des crises sociopolitiques soient toujours d’actualité, ce sont plutôt les difficultés économiques et la recherche du travail qui amènent le plus les Togolais à penser quitter leur pays. Plus de huit Togolais sur 10 évoquent les difficultés économiques (38%), la recherche du travail (35%), la pauvreté (8%), ou la quête de meilleures opportunités d’affaires (2%) comme les principales raisons qui les amènent à penser quitter le pays.

« Ce sont plutôt les difficultés économiques et la recherche du travail qui amènent le plus les Togolais à penser quitter leur pays »

Profil des potentiels émigrants

Au Togo, qui sont ceux qui pensent émigrer ? En effet, les caractéristiques démographiques les plus importantes qui distinguent les candidats à l’émigration sont le niveau d’étude et l’âge. Ainsi les Togolais ayant un niveau d’éducation post-secondaire (66%) ou secondaire (61%) sont plus enclins à émigrer que les Togolais ayant un niveau du primaire (45%) ou qui sont sans éducation (44%). De plus, les jeunes Togolais pensent beaucoup plus à l’émigration que les vieux.

« Les hommes (60%) sont plus enclins à l’émigration que les femmes (49%). »

Les hommes (60%) sont plus enclins à l’émigration que les femmes (49%). De même, six Togolais sur 10 résidant en milieu urbain contre cinq sur 10 résidant en milieu rural pensent émigrer. Les sans-emploi (63%) sont plus enclins à penser à l’émigration que les Togolais ayant un emploi (54%). Ce résultat confirme aussi les résultats précédents selon lesquels les principales raisons qui poussent les Togolais à émigrer sont les difficultés économiques et la recherche du travail. Nous notons également que les Togolais qui se sentent « proches » des partis d’opposition sont plus enclins à l’émigration que ceux qui se sentent proches du parti au pouvoir.

Les sans-emploi (63%) sont plus enclins à penser à l’émigration que les Togolais ayant un emploi (54%)

« Nous notons également que les Togolais qui se sentent « proches » des partis d’opposition sont plus enclins à l’émigration que ceux qui se sentent proches du parti au pouvoir »

Perception des conditions économiques et de l’orientation du pays

Les données de l’enquête Afrobaromètre révèlent que les potentiels émigrants sont plus pessimistes que leurs compatriotes en ce qui concerne les conditions économiques du Togo et son orientation actuelle. Ainsi, 78% des potentiels émigrants pensent que le pays va dans la mauvaise direction. De même, en ce qui concerne la situation économique actuelle du pays, nous notons huit potentiels émigrants sur 10 (80%) contre sept sur 10 des autres Togolais (71%) qui la qualifient comme « mal » ou « très mal ». Encore, 74% des potentiels émigrants décrivent leurs propres conditions de vie actuelles comme « mal » ou « très mal » contre 65% de sédentaires.

Ainsi, 78% des potentiels émigrants pensent que le pays va dans la mauvaise direction

Par contre, nous ne notons pas une différence significative entre les potentiels émigrants et le reste de la population en ce qui concerne leur niveau d’optimisme pour les conditions économiques du pays dans une période de 12 mois et leur dépendance des transferts de fonds de la part d’amis ou parents travaillant à l’extérieur du pays. Ces résultats suggèrent que le choix potentiel de l’émigration n’est donc lié ni à la dépendance des transferts de fonds de la part d’amis ou parents travaillant à l’extérieur, ni du fait que les conditions économiques du pays dans les 12 mois post-enquête seraient pires ou bien pires, mais à la situation économique actuelle et la recherche du travail.

« Ces résultats suggèrent que le choix potentiel de l’émigration n’est donc lié ni à la dépendance des transferts de fonds de la part d’amis ou parents travaillant à l’extérieur …, mais à la situation économique actuelle et la recherche du travail. »